Terriblement beau, infidèle, froid, lumineux, ingrat, peu clément, Paris donne le vertige. C'est dans ce tumulte vertigineux que Cédric Klapisch entraîne ses personnages et son spectateur, pour 2 heures 10 minutes de cinéma, avec son film Paris. La France a présenté vendredi dernier à la salle Ibn Zeydoun (Oref), dans le cadre des Journées du film européen, le long-métrage fiction Paris de Cédric Klapisch, qui a créé l'évènement à sa sortie en 2008 dans l'Hexagone. Le réalisateur est donc retourné à sa ville après avoir fait le tour de l'Europe avec l'Auberge espagnole qui avait pour décor l'idyllique Barcelone ou encore les Poupées russes où le cinéaste a fait escale dans plusieurs destinations et villes européennes. Dans Paris, les gens naissent, vivent, aiment et s'aiment, quittent ou sont quittés, ont des malheurs, sèment la vie et la mort, et récoltent ce qu'ils méritent. Klapisch nous entraîne dans Paris et son “spleen”, et sans crier gare, ses personnages se dévoilent et partagent avec le spectateur leurs vies trépidantes : un danseur parisien atteint d'une maladie cardiaque apprend que ses jours sont comptés à moins d'une transplantation cardiaque. Sa maladie lui permet d'avoir un regard neuf et différent sur la vie et les gens qui l'entourent puisque chaque jour est un cadeau. Sa sœur débarque alors chez lui avec ses trois filles pour s'occuper de sa santé. Dans Paris, il y a également un historien qui fait de la télé et sort avec son étudiante. Un architecte aux nerfs à fleur de peau, obsédé par la normalité. Une boulangère obsessionnelle. Un marchand de légumes complètement à côté de sa vie. Tous ces gens se croisent, s'ignorent, se rencontrent, se déchirent, se plaignent… Vivent tout simplement ! Ces destins éclatent pendant les 2 heures 10 minutes de projection, vont dans tous les sens, mais il y a une seule constante : tout le monde se plaint dans le Paris. Tout le monde a le spleen, d'ailleurs largement développé par Baudelaire et par celui qui se fait son porte-voix dans le film, Fabrice Luchini. À aucun moment, on ne décroche ! Cédric Klapisch inscrit donc son film dans Paris et s'entoure d'une palette d'acteurs aussi lumineux et poétiques que la poésie du Paris, notamment Romain Duris (l'acteur fétiche de Klapisch), Juliette Binoche, Fabrice Luchini, Albert Dupontel, François Cluzet, Karin Viard, Gilles Lellouche et Mélanie Laurent. Ce beau monde partage l'affiche, se dispute Paris et tente de vivre au mieux dans un Paris lumineux, voire merveilleux, souvent ingrat et froid, mais où des destins éclatent. Loin de l'idéalisme américain, ou encore de l'idyllique vision algérienne du Paris, Klapisch peint avec un réalisme poignant non dépourvu de sensibilité une “ville lumière” avec ses qualités et ses défauts, dans laquelle le miracle est possible. Alors, les destins éclatent, les yeux des spectateurs larmoient, notre sensibilité est titillée, et on est embarqué ! Notons par ailleurs l'exceptionnelle prestation de Juliette Binoche qui joue à l'Américaine et qui s'est surpassée dans ce film, l'humour décalé et décapant de Fabrice Luchini, et la présence ainsi que le charisme d'Albert Dupontel. Romain Duris, quant à lui, a marqué Paris par ses silences, son intériorité et la composition de son personnage. Par contre, le personnage principal, à savoir, Paris, n'a pas déçu. Capitale lumineuse mais froide ; ses habitant cherchent continuellement dans ses travées, ses travers, ses ruelles, ses caniveaux… une humanité, une chaleur et une parcelle de vie. Sara Kharfi