Rencontré lors de son passage à Alger, après avoir assisté à l'ouverture de la 5e édition de l'université de la Copeam, qui se tiendra jusqu'au 14 février prochain, à Taghit, dans la wilaya de Béchar, Emmanuel Hoog a bien voulu répondre à nos questions et nous parler dans cet entretien de l'utilité de la numérisation des archives audiovisuelles. Toutefois, il n'a pas souhaité se prononcer sur l'épineux sujet des archives nationales et du conflit entre l'Algérie et la France concernant ce patrimoine et cette part de la mémoire collective. Liberté : Vous venez de Taghit où se déroule la 5e édition de l'université de la Copem, votre avis ? Emmanuel Hoog : La Copeam (Conférence permanente de l'audiovisuel méditerranéen) organise depuis cinq ans, grâce à l'appui tout à fait essentiel de la Télévision publique algérienne, une université, qui réunit à peu près – et c'est le cas cette année – une quinzaine de pays du pourtour de le Méditerranée, de jeunes professionnels, venant de Slovénie, Croatie, Syrie, Maroc, Tunisie et bien sûr d'Algérie..., et qui se tient à Taghit et qui a été inauguré vendredi 6 février dernier. Et donc tous ces jeunes avec des formateurs du nord et du sud de la Méditerranée, se retrouvent pendant une semaine pour créer et monter des sujets en télévision et radio. Cette année, l'innovation c'est Internet, puisque maintenant, Internet est un nouveau média à part entière. C'est une initiative très importante, qui depuis l'origine, depuis la première édition portée par l'Algérie et qui pour la Copeam est tout à fait essentielle parce que la vocation tend non seulement à élever le niveau professionnel, mais aussi à créer une communauté professionnelle. C'est important que des journalistes, des monteurs, des cadreurs, des preneurs de son, des preneurs d'images, des rédacteurs de différents pays puissent travailler ensemble, créer des liens d'amitié, de sympathie, et demain, quand ils seront en situation et en responsabilité de pouvoir aussi continuer à entretenir ces liens et créer cette communauté audiovisuelle. L'année dernière vous avez remis les archives de la Télévision nationale… Entre l'INA et la télévision publique algérienne, il y a un accord qui a été signé et qui visait à donner l'ensemble des archives que l'INA possédait de ses origines jusqu'à 1962. L'ensemble des documents a été livré en février-mars derniers. Donc l'ensemble des documents numérisés avec l'ensemble des documentations qui étaient associés sont aujourd'hui entre les mains de la télévision publique algérienne. Un accord identique a été signé avec la radio qui concerne à peu près 1 300 sujets. Et sur les 1 300 sujets, 200 ont été livrés. Et en fonction de l'accord signé, le reste des sujets sont en cours de numérisation et seront livrés avant la fin de cette année 2009 ; les sujets et la documentation qui va avec. Il y aussi un autre projet de numérisation des archives en Algérie ? L'autre sujet ou l'autre volet sur les archives, sur les archives algériennes en Algérie, c'est de voir si un travail de numérisation ou de sauvegarde n'est pas nécessaire par rapport à ces archives. Parce que, comme vous le savez, les archives représentent quelque chose de très fragile, ça se détériore avec le temps, ce n'est pas immortel, et donc, il est nécessaire à un moment de les numériser et de les sauvegarder pour les générations futures, parce que c'est un patrimoine audiovisuel. Une des questions est de savoir s'il est nécessaire ou pas de lancer un plan de sauvegarde, et est-ce que, éventuellement, si un plan de sauvegarde pour la télévision ou voire pour la radio est lancé, l'Institut national de l'audiovisuel ne peut pas être un partenaire dans cette affaire. La question est encore ouverte. Mais c'est une question qui va se poser, comme elle se pose d'ailleurs dans tous les pays du monde puisque ce sont les mêmes matériels, ce sont les mêmes bandes qui ont été utilisés dans le monde entier et au même moment. Donc il n'y a pas de vraie différence entre une bande magnétique qui a été utilisé au Japon, qui a été utilisée en Algérie ou qui a été utilisée au Chili… On voit bien aujourd'hui qu'on est dans une grande bascule de ces archives vers la numérisation. L'Unesco a évoqué un chiffre qui paraît assez dramatique – qui est réel –, c'est que d'ici à 2015-2020, c'est quasiment, c'est 80% du patrimoine audiovisuel qui sera mort s'il n'est pas numérisé. Il y a une prise de conscience nécessaire et probablement un plan de sauvegarde à mettre en place. À travers le monde ou en Algérie ? Dans le monde entier, pas plus en Algérie, pas moins. C'est-à-dire qu'il est nécessaire dans le monde entier, tous ceux qui souhaitent préserver leur patrimoine audiovisuel, qui accordent une dimension patrimoniale à cette archive particulière qui est l'archive audiovisuelle, doivent la sauvegarder. Je pense effectivement qu'il y a des choses très précieuses dont naturellement l'audiovisuel algérien, qui méritent d'être transmis aux générations futures. Quelle est l'utilité de la numérisation des archives ? La numérisation des archives sert à deux choses. D'abord à sauvegarder l'archive elle-même. Parce que l'archive sous forme de bande son, de bande vidéo ça se détériore avec le temps et si on n'arrive pas à la transformer en fichier numérique, c'est ce caractère très matériel de l'archive et physique qui se détériore avec le temps. Donc la première utilité c'est la sauvegarde. La seconde, c'est le partage. C'est-à-dire que dans le monde numérique, plus on diffuse les archives, plus elle est visible, plus elle est demandé par tous ceux qui la voient, parce que c'est très important de faire circuler cette mémoire. Dans le monde physique, plus on communique une archive, plus elle se détériore, alors que dans le monde numérique, au contraire, il n'y a pas d'incompatibilité entre la conservation et la diffusion. A. I.