Il y a eu ici, comme ailleurs pour d'autres maux, une conjonction de causes objectives qui relèvent de la responsabilité de ceux qui nous gouvernent, à tous les niveaux. On croyait l'Algérie définitivement réfractaire à ces maladies sur lesquelles la science, ailleurs, associée à des mécanismes de surveillance parfaitement au point, a remporté des victoires décisives. Il n'en est rien et nous avons été assez souvent rappelés à une plus juste appréciation des choses, ces dernières années, pour que nous renoncions à l'illusion d'avoir quitté le champ périlleux du sous-développement que nous partageons, le voulions-nous ou pas, avec plein de pays des tiers et quart mondes. Sans verser dans l'autoflagellation, nous n'en sommes pas moins tenus de prendre conscience que, dans de nombreux domaines, nous avons marqué le pas. Lorsque nous n'avons pas accusé une franche régression. Et l'état sanitaire dans lequel se trouve la société algérienne est sans doute l'un des révélateurs les plus fiables et les plus inquiétants de cette dégradation. Lorsque, après les alertes à la résurgence de la tuberculose dans certaines régions du pays, les apparitions régulières de la méningite et de la typhoïde, les ravages de la gale — toutes des maladies liées à l'élargissement des territoires de la pauvreté —, on reçoit subitement la nouvelle que la peste a frappé à nos portes, on se dit qu'après tout, c'était prévisible. La peste, ce fléau dont le nom est associé aux pages les plus obscures de l'histoire de l'humanité, ne s'est pas “réveillée” ainsi, par hasard, dans cette petite localité de l'Ouest algérien. Il y a eu ici, comme ailleurs pour d'autres maux, une conjonction de causes objectives qui relèvent de la responsabilité de ceux qui nous gouvernent à tous les niveaux. La multiplication des poches de misère, invariablement gonflées par une démographie débridée, la négligence érigée en système d'organisation et de gestion de la cité, le bannissement du concept même de rigueur dans les différentes missions dévolues aux agents de l'Etat, la culture de l'approximation sont autant de facteurs propres à générer la peste et encore bien d'autres malheurs. Quand les autorités locales, payées pour administrer, s'occupent davantage de politique que d'administration et se préoccupent beaucoup plus d'assurer l'avenir de leurs proches que le bien-être de leur prochain, personne ne peut se sentir à l'abri de ces affections d'un autre âge. M. A.