La perte de substance du dinar par rapport à l'euro inquiète sérieusement les chefs d'entreprise. “C'est dramatique”, souligne Réda Hamiani, vice-président du Forum des chefs d'entreprise. Et pour cause, “le glissement du dinar par rapport à l'euro” a renchéri d'une façon spectaculaire les importations provenant de l'Europe. La fulgurante montée de la monnaie européenne par rapport au dollar a eu aussi des conséquences négatives sur les paramètres macro-économiques. L'encours de la dette extérieure est plus élevé que prévu : de 500 millions de dollars US, atteignant 23,1 milliards de dollars US à fin décembre 2002 contre 22,6 milliards de dollars US à fin décembre 2001. C'est que les exportations algériennes, essentiellement en hydrocarbures, sont libellées en dollar et les importations sont facturées en euro. Par ailleurs, des voix s'interrogent “si l'Algérie n'a pas trop dévalué sa monnaie”. La dévaluation du dinar devait stimuler les exportations hors hydrocarbures, mais force est de constater que, depuis 1994, le montant des exportations hors hydrocarbures demeure marginal. En parallèle, la pauvreté s'est élargie. Le Chef du gouvernement a été saisi récemment par le Forum au sujet de l'absence d'un instrument officiel permettant à une entreprise activant sur le marché national de se couvrir contre le risque de change. Cette situation affecte notamment les opérations commerciales courantes des entreprises, dans la mesure où l'absence de solution pour se couvrir contre le risque de change ne leur permet pas de calculer des coûts de revient en temps réel et donc d'afficher et de mettre en œuvre des politiques commerciales transparentes. Les entreprises qui opèrent dans des secteurs d'activité à prix ou à marges plafonnées sont, à cet égard, particulièrement touchées dans la mesure où elles ne disposent pas de la possibilité de répercuter légalement les coûts qu'elles assument, autrement qu'en abandonnant leur marge commerciale déjà faible. S'il appartient à la Banque centrale de fixer souverainement la parité de la monnaie nationale par rapport aux monnaies étrangères, les entreprises devraient pouvoir, en contrepartie, disposer d'un instrument qui leur permette d'arbitrer au fur et à mesure leurs opérations de commerce ou d'investissement en tenant compte de l'évolution du cours du dinar. Il est souhaité la mise en place, par les institutions financières et bancaires nationales, d'un marché à terme de devises, comme cela se pratique partout dans le monde. En tout état de cause, les opérateurs économiques demandent aux pouvoirs publics “de faire quelque chose pour diminuer la perte de substance du dinar”. Les spécialistes estiment que la valeur d'une monnaie dépend principalement de l'état de santé de l'économie d'un pays. Aujourd'hui, les réserves de change s'élèvent à plus de 23 milliards de dollars, l'inflation est maîtrisée, mais la croissance hors hydrocarbures demeure faible. Ce sont les trois paramètres qui déterminent la valeur d'une monnaie. Que faire alors pour redresser le dinar ? Rebrab, patron de Cevital, soutient que seule l'augmentation des exportations hors hydrocarbures est à même de doper la monnaie nationale, mais en attendant, la mise en place d'un marché à terme de la devise pour éviter aux entreprises de nouvelles pertes de change. D'autant que celles engendrées par les premières dévaluations du dinar et qui nous, dit-on, ont touché plus de 300 entreprises, n'ont, à ce jour, pas été réglées. Le conseil national de l'investissement serait sur le point de rendre public un ensemble de mesures à même d'atténuer les répercussions de la flambée de l'euro face au dollar, a affirmé récemment le ministre du Commerce sans donner de détails sur la nature et l'objet de ses mesures. M. R.