Le Forum des chefs d'entreprise se dit disponible à apporter son soutien au gouvernement en proposant d'agir sur le niveau de parité de la monnaie nationale face à l'euro et au dollar, sur les droits de douanes et la taxe sur la valeur ajoutée, entre autres. L'augmentation généralisée des prix de beaucoup de produits de large consommation semble inquiéter tout le monde, y compris le patronat. Le Forum des chefs d'entreprise vient de saisir officiellement le Chef du gouvernement pour lui exprimer non seulement “sa préoccupation quant à la hausse des prix des matières premières et des produits de large consommation”, mais aussi sa “disponibilité” à participer à toutes actions susceptibles d'endiguer cette pression inflationniste. “Nous avons proposé une réflexion globale à mettre en œuvre”, nous confie M. Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprise, joint par téléphone. Du côté du forum, on est conscient que dans une économie de marché, la marge de manœuvre pour agir directement sur les prix est très étroite. Les prix obéissent aux mécanismes du marché et à la loi de l'offre et de la demande. La théorie recommande à l'Etat de ne pas intervenir. “Pour autant, des parades sont possibles, et nous devons agir rapidement face au processus cumulatif de l'inflation qui touche de plus en plus de secteurs”, estime le président du Forum des chefs d'entreprise. Le renchérissement des prix de l'ensemble de produits qui forment le panier de la ménagère érode lentement le pouvoir d'achat des Algériens. Et cette érosion risque de s'accentuer à l'approche de la rentrée sociale et scolaire qui, cette année, sera couplée avec le mois sacré du Ramadhan. D'où l'inquiétude du forum des chefs d'entreprise. La hausse des prix ne concerne pas seulement les produits de consommation alimentaire, mais aussi les matières premières destinées à l'outil de production. “Nous ne devons pas rester passifs”, insiste M. Hamiani. Du coup, le Forum des chefs d'entreprise suggère un certain nombre de mesures à même de contenir cette inflation “importée”. “Il faut, en premier lieu, agir sur la parité du dinar”, propose-t-il. Les importateurs algériens, relève M. Hamiani, subissent aujourd'hui directement la décote du dollar face à l'euro, d'autant que 60% des importations proviennent de la zone euro et libellées donc en euro. En d'autres termes, le président du Forum des chefs d'entreprise estime qu'il faut renforcer plus la valeur de la monnaie nationale. La flambée de l'euro par rapport au dollar se traduit surtout par la hausse des prix sur le marché algérien, car la dépréciation du dinar par rapport à l'euro provoque la cherté des produits importés. Il se produit ainsi un phénomène d'inflation importée par le taux de change et, face à une telle situation, on ne doit pas rester passifs. Pour gérer cette crise, la BA peut jouer sur les autres devises. Le taux de change du dinar est déterminé par rapport à un panier de monnaies. Cette technique permet ainsi d'amortir les chocs des fluctuations de change à travers les parités des différentes monnaies composant le panier. Ces monnaies sont, d'ailleurs, choisies à la fois en fonction de leur degré d'utilisation dans nos échanges extérieurs, mais aussi du fait que certaines d'entre elles ont plutôt tendance à évoluer à la hausse, alors que les autres évoluent plus à la baisse. Cela permet un meilleur contrôle sur l'équilibre du taux de change du dinar. Le président du forum salue, au passage, les efforts consentis par la Banque centrale en faveur de la stabilité du dinar. Pour rappel, en contexte de fluctuations des taux de change des principales devises sur les marchés internationaux, la Banque d'Algérie poursuit la politique de flottement dirigé pour assurer la stabilisation du taux de change effectif de la monnaie nationale. M. Réda Hamiani propose aussi d'agir sur les droits de douanes et la taxe sur la valeur ajoutée. Pour rappel, le ministre du Commerce a évoqué, lors d'une conférence de presse, la possibilité de réduire les droits de douanes et la taxe sur la valeur ajoutée pour ramener les prix de la pomme de terre à des niveaux acceptables, en précisant que ce serait “une solution extrême”. Plusieurs opérateurs, ces derniers mois, ont suggéré de revoir la taxe sur la valeur ajoutée sur certains produits, notamment de première nécessité. Ce qu'il faut savoir, c'est que la TVA ampute directement le pouvoir d'achat des ménages. En situation normale, elle constitue donc une ponction sur leurs revenus. À contrario, l'exonération de la TVA pour certains produits de première nécessité est pour peu que les produits ne subissent pas l'effet de la spéculation par fait de pénurie, un dopage du pouvoir d'achat. Elle permet aux ménages à faible revenu d'accéder aux produits de base. Ce qui constitue, donc, un élément de formation de la structure de leur consommation. Le président du Forum des chefs d'entreprise s'est montré favorable à la hausse du SNMG, “mais seulement comme ultime recours étant donné les effets inflationnistes d'une telle mesure”. La campagne “Made in bladi” sera relancée En tout état de cause, le Forum des chefs d'entreprise se dit disponible pour accompagner les pouvoirs publics dans la mise en œuvre des politiques adaptées. “Chacun de nous est interpellé et nous sommes prêts à nous associer au gouvernement pour voir ce qui peut être fait.” Il sera d'ailleurs demandé aux entreprises, du moins aux membres du forum, une contribution exceptionnelle en agissant sur leurs marges, afin d'amortir la hausse des prix. Par ailleurs, le Forum de chefs d'entreprises compte relancer la compagne “consommer national” qu'il avait déjà lancée en 2002. L'initiative “Made in bladi” vise à revaloriser la production locale et à relancer l'emploi. Les pouvoirs publics semblent, cette fois-ci, applaudir l'initiative. Si le choix de consommer est, en Algérie comme ailleurs, une affaire de qualité et de prix, la consommation de produits fabriqués localement favorise, en surplus, la défense et la promotion des emplois nationaux, ce qui participe à terme à l'accroissement du pouvoir d'achat de la population. Meziane Rabhi