Un pouvoir peut-il se légitimer en poussant l'Etat à l'illégalité ? “Un président doit être élu à une majorité écrasante”, avait clairement énoncé le Président, le jour même de sa déclaration de candidature. En complément des stipulations légales et constitutionnelles, le candidat Bouteflika s'impose ses exigences propres. Un peu comme s'il ne lui suffisait pas d'être simplement élu, mais qu'il fallait qu'il soit plébiscité pour accepter la charge qu'il envisage de conserver parce que, “des quatre coins du pays et de diverses couches de la population, des appels [lui] parviennent [lui] demandant de poursuivre (sa) mission”. Une candidature motivée par autant de sollicitations doit naturellement être sanctionnée par un résultat électoral éclatant. Le tarif a été fixé par le résultat des élections précédentes par lesquelles le peuple lui a “accordé sa confiance et son soutien à travers quatre suffrages universels, qu'il s'agisse des élections présidentielles de 1999 et 2004 ou des référendums pour la concorde civile et la réconciliation nationale”. La balle est dans le camp de… l'élection. Il lui reste à donner le maximum de vraisemblance au résultat électoral projeté. D'abord, une participation qui permettrait de contredire le fait abstentionniste. Les professions de foi des responsables, les témoignages complaisants d'une presse obligée et les effets spéciaux de l'ENTV ne suffiraient pas à animer une journée électorale si elle venait à être gravement désertée par les électeurs. Et dans l'état actuel de notre vie “démocratique”, seule une abstention manifeste peut déprécier un résultat électoral même “redressé”. Dans cette “réélection présidentielle”, selon la formule du caricaturiste Hichem, l'abstention reste l'unique expression de la souveraineté de l'électeur sur sa voix. Elle constitue donc l'unique variable incontrôlable d'un régime électoral intégralement maîtrisé. On mesure l'angoisse officielle à l'outrance des moyens engagés dans la campagne pour le vote. Dans un pays qui a récemment connu une période d'engouement populaire pour l'acte électoral, l'acharnement multiforme pour la promotion de l'acte de vote révèle le niveau de régression politique du pays. L'Etat tout entier est transformé en comité de campagne. Même les institutions légalement mises à l'abri de la pollution politique, comme les écoles et les scouts, sont explicitement embrigadées dans cet effort de marketing électoral. Les lieux de culte, dont la mission a été justement pervertie par l'introduction de la politique, se voient investis de prêcheurs officiels pour y rééditer l'expérience du FIS sans le FIS. Les cartes de vote sont livrées dans toutes sortes de zones de peuplement qui, comme les cités universitaires, ne constituent pourtant pas des adresses administratives, sans précaution visant à éviter leur duplication. Après la dernière consultation, le ministère de l'Intérieur a dû écrire pour s'enquérir de l'adresse des citoyens qui n'ont pas reçu leurs cartes d'électeurs, cette fois-ci, il devra les appeler à restituer l'une de leurs cartes. H. M.