Deux mois, jour pour jour, après l'audition du témoin Hicham Aboud et la défection de l'accusateur Mohamed Samraoui, une décision est peut-être attendue rapidement dans la situation du diplomate algérien pris dans les mailles de la justice française. Le témoignage en sa faveur de l'un et l'absence de l'autre ont peut-être permis à Mohamed-Ziane Hasseni d'introduire une nouvelle demande d'annulation des charges devant la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris. À cela s'ajoutent les résultats des tests ADN et des analyses graphologiques qui, même s'ils n'ont pas été officiellement portés à sa connaissance, ne peuvent pas en tout cas confirmer la culpabilité de celui qui crie depuis le début à une méprise sur son identité. Autre élément : l'état civil des Algériens nés avant l'Indépendance étant archivé à Nantes, les magistrats auraient pu s'y rendre pour consulter l'acte de naissance du diplomate et le confronter avec le livret de famille qu'il a présenté et qu'on le soupçonne d'avoir falsifié a posteriori. C'est pourtant le document original délivré par l'administration coloniale ! Une précédente audition le 25 septembre devant la chambre d'instruction s'était révélée négative. L'interpellation du diplomate était récente et le climat de suspicion encore lourd parce qu'il avait refusé une première demande de tests ADN. Les nouveaux éléments intervenus dans le dossier sont de nature à motiver une autre demande. Si la chambre d'instruction devait prendre en compte ces éléments, M. Hasseni pourra rentrer à Alger sans avoir rencontré le juge Alain Philibeaux. Doyen des juges d'instruction à Nanterre, ce dernier est arrivé, comme nous le révélions, la semaine dernière à Paris en remplacement de Baudoin Thouvenot muté à Melun et que M. Hasseni aura donc vu deux fois après son interpellation à Marseille le 14 août. Si, après avoir été saisie, la chambre d'instruction décidait d'annuler les charges pesant sur M. Hasseni, la procédure ne s'arrêterait pas. Le contrôle judiciaire et l'inculpation seront levés. Le diplomate aura alors le statut de témoin assisté. C'est-à-dire visé par de simples indices qui ne sont pas suffisants pour justifier les mesures restrictives de liberté, encore moins son procès. S'il juge cela utile pour la suite de ses investigations, le magistrat instructeur pourra lui adresser des convocations. L'autre hypothèse est que la chambre d'instruction rejette la demande. Dans ce cas, le diplomate restera soumis aux mêmes contraintes et fera peut-être la connaissance de M. Philibeaux. En tout cas, une telle décision de la chambre d'instruction ne signifie pas culpabilité car le renvoi devant les assises est une décision qui ne se prend pas à la légère. Le juge d'instruction n'a pas pour vocation de juger, mais de préparer un procès. Ce n'est qu'à la fin des investigations qu'il rend ses ordonnances. S'il existe des charges suffisantes, il rend une ordonnance de mise en accusation pour permettre au parquet de saisir la cour d'assises. Ce n'est pas à lui de fixer la date du procès, mais au procureur. À défaut de charges suffisantes, il rend une ordonnance de non-lieu qui va mettre fin à la procédure. Evidemment, ses décisions ne sont pas définitives, mais susceptibles d'appel. En France, il est même permis à un inculpé de demander un changement de juge d'instruction pour “suspicion légitime” s'il estime que les éléments à décharge ne sont pas pris en compte. Les dossiers qui échoient aux juges d'instruction sont les plus compliqués et ne constituent que 5% des affaires. Dans le dossier Mecili où sa veuve est partie civile, le juge d'instruction pourra rendre une ordonnance de non-lieu au bénéfice de M. Hasseni tout en gardant ouverte l'information judiciaire. La défection de Samraoui et les motifs invoqués pour la justifier ont discrédité son témoignage. Ils l'exposent même à des poursuites. Le juge va continuer son enquête par la recherche d'autres indices et d'autres témoins. Jusque-là, la défense de la veuve Mecili n'en a pas cité d'autres. Elle s'est cramponnée à d'improbables preuves contre le diplomate. La procédure pourra prendre des années. Dans les milieux judiciaires parisiens Alain Philibeaux, proche de la retraite, à la réputation d'un juge à l'indépendance intraitable et imperméable aux influences. Il va se forger sa propre idée sur le dossier sans se laisser enfermer dans la démarche de son prédécesseur. C'est lui qui a mené l'enquête ayant conduit à la chute d'Alain Juppé en qui la droite française voyait le successeur de Chirac. “C'est le meilleur d'entre nous”, disait-on alors de lui... A. O.