L'homme qui bouclera ses douze années de prison dans quelques jours entend redescendre dans l'arène politique. Eclairage. Le leader du MRN, Abdallah Djaballah, a assurément le vent en poupe ces derniers mois. Partisan d'un islamisme radical, qui plus est ne s'est jamais mouillé avec le pouvoir, il continue d'engranger des dividendes politiques qu'il ravit à ses congénères du MSP. Une démarche qui fait de lui l'héritier “naturel” de la base du FIS dissous, en direction de laquelle il n'a jamais cessé son opération de charme. Et ça semble marcher pour lui ! C'est du moins ce que suggère “la délégation” — les membres de sa famille — que Ali Benhadj lui a envoyée depuis sa prison pour le rassurer qu'il n'y avait aucun différend entre eux, selon le communiqué rendu public par le mouvement El-Islah, la semaine dernière. “Aucune rumeur ou mensonge ne saurait altérer nos excellentes relations.” C'est incontestablement une véritable “déclaration d'amour” de la part de Ali Benhadj pour Djaballah qui ne demande certainement pas plus, lui qui ambitionne de devenir le chef incontesté de la mouvance islamiste. Intervenant à moins de dix jours de la libération — théoriquement — du numéro deux du FIS dissous, ce message a de quoi susciter un mélange de crainte et de surprise. Crainte de voir le prisonnier reprendre sa besogne avec la même arrogance comme durant l'époque du FIS triomphant, comme le laissent entendre les déclarations de son entourage. Surprise de voir celui qu'on dit “dégoûté” de la politique et fortement affecté par la dure décennie qu'il vient de passer en taule prendre contact avec un parti de même obédience que le sien, avec une facilité déconcertante. Doit-on comprendre que Ali Benhadj, à travers la délégation qu'il a dépêchée au MRN, a officiellement fait acte d'allégeance à Djaballah pour piloter le néo-FIS ? Voulait-il couper l'herbe sous les pieds de Taleb Ibrahimi qui compte lui aussi sur la base de l'ex-parti de Abassi dans l'espoir de succéder à Bouteflika ? Dans tous les cas de figure, la sortie médiatique “officieuse” de Ali Benhadj devrait être placée dans ce contexte de précampagne pour l'élection présidentielle d'avril 2004. Et considérant l'islamisme BCBG prêté à Taleb et celui plutôt fondamentaliste de Djaballah, le choix paraît vite fait pour Ali Benhadj connu pour son impulsivité, voire son radicalisme en faveur de son alter ego du MRN. Le fait que les membres de la famille Benhadj ayant été reçus par la direction de ce parti soient flanqués de Abdelkader Moghni — un ancien dirigeant du FIS — est loin d'être innocent. Pas plus que ne l'était cette visite chez Djaballah. Curieusement, elle intervient le jour même de la mort du leader du MSP, Mahfoud Nahnah, que les “Fisistes” ne portent pas dans leur cœur en raison de sa modération et de sa démarche politique qui consiste à respecter les règles de la légalité au lieu d'un affrontement avec les autorités. Et la disparition de Nahnah apporte de l'eau au moulin de Djaballah qui se présente comme le seul chef islamiste en activité “légale”. Mieux encore, la déclaration du chef d'état-major, le général Lamari, au journal cairote Al-Ahram, selon laquelle l'armée est prête à accepter l'élection de n'importe quel Président, fût-il Djaballah, a donné des ailes au responsable du MRN dont la direction s'est empressée de féliciter le général pour cette assurance. Déjà “boosté” lors des élections législatives et locales de l'année dernière en arrivant jusqu'à supplanter le MSP, l'homme croit plus que jamais à son étoile. Concours de circonstances aidant, le cheikh Djaballah est à présent dans une posture qui fait de lui le candidat potentiel de cette mouvance islamiste pour la prochaine présidentielle. D'où, sans doute, cette offre de service de Ali Benhadj. Suspectée, la connexion FIS-MRN se confirme. L'équation algérienne se corse. H. M.