Cela fait 40 jours que la Guadeloupe est paralysée par une grève générale avec ses débordements, ses pillages et ses violences, qui ont atteint leur paroxysme avec l'assassinat par balle d'un syndicaliste. L'ampleur du mouvement, initié par une coalition de syndicats et d'associations, et la gravité de la situation, n'ont d'égal que le peu d'entrain du gouvernement français à réagir et à contenir l'incendie. À l'origine des manifestations, des revendications salariales, le niveau de vie s'étant sérieusement dégradé sur les îles françaises. Alors que les discussions ardues et poussives approchaient de leur aboutissement jeudi soir, le représentant du patronat a quitté la table des négociations après une violente altercation avec un syndicaliste, ce qu'il a justifié, plus tard, par des raisons de sa propre sécurité. Un autre dérapage a eu lieu simultanément puisqu'un groupe de manifestants a pris d'assaut et occupé les locaux de la télévision satellitaire RFO. Cinq d'entre eux ont pris l'antenne pendant trente minutes. Alors qu'aucun compromis n'est encore entériné jusqu'à vendredi en Guadeloupe et que le climat tarde à s'apaiser, c'est l'île voisine, la Martinique, qui lui emboîte le pas. Ayant connu de graves incidents depuis mardi, la Martinique risque de s'engouffrer à son tour dans un cycle de violence. Le danger est tel que le préfet a qualifié la situation d'extrêmement grave et a demandé à la population de Port de France de ne pas sortir après 19h, sauf nécessité absolue. Précisant qu'il ne s'agit pas d'un couvre-feu, il a néanmoins fait venir des renforts de gendarmerie depuis la métropole et a averti que si cela devait durer, “il va y avoir un drame”. Pour leur part, des élus ont appelé à trouver une solution rapide au conflit social et ont souligné le risque d'un “embrasement général”. L'île est paralysée à son tour par une grève générale depuis le 5 février, avec une organisation similaire à celle du mouvement guadeloupéen, mais avec une propension plus marquée à la violence ces derniers jours. Des commerces pillés, des véhicules incendiés, des gendarmes et des policiers blessés, dont trois par balles : tel est le bilan de deux nuits d'émeutes. De plus, si les indépendantistes se font plutôt discrets en Guadeloupe, ils semblent plus présents et plus offensifs en Martinique. À la faveur de la crise économique mondiale, les territoires français d'outre-mer découvrent combien ils sont dépendants de la métropole pour leurs besoins les plus basiques. Sans tissu industriel et avec une agriculture spécialisée, tous les produits de consommation sont acheminés depuis la France, distante de plusieurs milliers de kilomètres, avec des conséquences évidentes sur les prix à la consommation, de sorte que la vie y est plus chère que dans l'Hexagone. Des voix s'élèvent même pour dénoncer les manœuvres de lobbys puissants, qui s'opposent à toute promotion de la production locale. On cite l'exemple d'une unité de fabrication de yaourt qui a été incendiée avant même de rentrer en production, sans que l'origine du sinistre ne soit élucidée à ce jour. Après l'embrasement cyclique et répétitif de ses banlieues, la France découvre que ses territoires d'outre-mer peuvent s'avérer des poudrières. Un peu comme si elle se faisait rattraper par son histoire coloniale. M. A. Boumendil