Accusé d'avoir laissé pourrir la situation et de considérer la Guadeloupe comme une colonie traitée avec mépris, le gouvernement français fait face à la colère des Guadeloupéens, qui pourrait prendre une autre tournure, celle de la revendication indépendantiste, qui pourrait s'étendre à toutes les Antilles françaises. Après des protestations plus ou moins calmes, Guadeloupe, territoire français d'outre-mer faisant partie des Antilles, a passé une nuit de mardi à mercredi très agitée, au cours de laquelle un homme a été tué par balle. La victime, un syndicaliste d'une cinquantaine d'années, a été tué par une balle tirée “depuis un barrage tenu par des jeunes” à Pointe-à-Pitre, a indiqué la cellule de crise de la préfecture. Il s'agit du premier mort du conflit social qui paralyse l'île antillaise depuis le 20 janvier, et qui s'aggrave de jour en jour. En effet, la grève générale entamée il y a un mois semble dégénérer en émeutes malgré les appels au calme du gouvernement et des syndicats. Le conflit en Guadeloupe mais aussi en Martinique, l'autre île française touchée par la grève depuis le 5 février, a pour première cause la cherté de la vie, alors que le taux de chômage est le plus élevé de l'Union européenne et le PIB par tête deux fois inférieur à la métropole. Ce qui rajoute à la complexité de la situation est l'impasse dans laquelle se trouve les négociations soient au point mort. Alors que le LKP, qui réclame une hausse de 200 euros des bas salaires, accuse le gouvernement d'être revenu sur un engagement du secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, Yves Jégo, de compenser, par des baisses de charges, cette augmentation salariale, l'exécutif Fillon assure qu'il n'en est rien et renvoie un accord aux “partenaires sociaux”. Selon les informations rapportées par les agences de presse, des magasins ont été pillés à Pointe-à-Pitre, principale agglomération, et dans d'autres localités, et des barrages érigés dans les rues désertées par les habitants. Trois policiers ont été légèrement blessés par des tirs d'armes à feu dans une cité de Pointe-à-Pitre, où ils avaient été appelés pour une intervention. A Baie-Mahault (10 km de Pointe-à-Pitre), des jeunes armés de fusils à pompe ont tiré à balles réelles en direction des forces de l'ordre et trois gendarmes ont été légèrement blessés, tandis que trois jeunes ont été interpellés, selon le maire de la ville, Ary Chalus, qui a évoqué une situation de “chaos”. Plusieurs magasins et entreprises appartenant à des familles blanches, les “békés” (descendants de colons), ont notamment été pillés. Réagissant à cette à cette flambée de violences, le “collectif contre l'exploitation” (LKP), fer de lance de la grève générale, et le gouvernement, ont lancé des “appels au calme”. Toutefois, la même source a qualifié de “provocation” les actions des forces de l'ordre, demandant au préfet de “retirer ses gendarmes”, accusés d'avoir lancé des insultes racistes aux membres du LKP. Ne s'arrêtant pas à ce stade des accusations, il reprochera un peu plus tard au gouvernement français d'avoir laissé pourrir la situation et de considérer la Guadeloupe comme une “colonie” traitée avec “mépris”. De son côté le porte-parole du gouvernement français, Luc Chatel, a lancé, sur la radio Europe 1, un “appel au calme”, en insistant sur le fait que “la place des uns et des autres est davantage autour de la table que sur les barricades”. Ce qui pourrait donner une autre tournure, indépendantiste, à ce mouvement, est que la grève a cristallisé un profond malaise économique et social, sur un fond historique marqué par l'esclavage. En attendant, le président Nicolas Sarkozy, longtemps resté silencieux, devrait recevoir aujourd'hui à Paris des élus de Guadeloupe et Martinique. Mettant à profit cette situation de crise, la première secrétaire du parti socialiste, Martine Aubry, a exhorté hier le chef de l'Etat à s'“intéresser” aux départements d'outre-mer. Elle a notamment affirmé : “Depuis deux ans, on ne s'est pas occupé des départements d'outre-mer (DOM), on ne s'est pas occupé du développement. L'Etat n'a pas rempli son rôle de contrôle des prix.” Merzak T./Agences