Une femme violée par les terroristes n'est pas considérée comme telle du point de vue juridique. “Les femmes ne sont même pas considérées comme des victimes à part entière”, commentera Myriam Belala, présidente de SOS femmes en détresse, pour expliquer la non-reconnaissance de l'Etat aux femmes violées par les terroristes. La situation de ces femmes violées est, selon elle, “à l'image de la situation des femmes en Algérie. Elles naissent demi-citoyennes et elles sont demi-victimes”. En plus de leur non-reconnaissance en tant que victimes, ces femmes agressées dans leur chair doivent également prouver leur “viol par les terroristes”. Comment ? “Lors des assauts des services de sécurité dans les maquis terroristes, les femmes libérées reçoivent un PV attestant de leur viol. Par contre, dans le cas où des femmes enlevées puis violées se sauvent, si elles ne déclarent pas immédiatement leur viol aux services de sécurité, un flou s'installe autour de leur situation en ce sens qu'on met en doute leur viol par les terroristes”, expliquera Myriam Belala. Elle précisera que “dans l'écrasante majorité des cas, ces femmes ne vont pas tout de suite voir les services de sécurité” parce qu'“elles ont trop honte de leur viol ; leur premier geste est d'aller se laver et donc de faire disparaître tous les stigmates de l'agression”. Pour illustrer ses propos, Mme Belala cite plusieurs cas de femmes confrontées à de multiples problèmes juridiques, notamment celui d'une femme de Aïn Defla qui n'a pas pu avoir le PV attestant de son enlèvement par les terroristes. “Un flou s'était installé autour de sa disparition. Dans son village, on disait que c'était une femme qui avait rejoint les terroristes”, relèvera Mme Belala tout en précisant que “psychologiquement, ce PV était d'une extrême importance pour elle. Elle parlait beaucoup plus de cette non-reconnaissance des autorités que de son viol”. Pourtant, beaucoup d'indices prouvent la véracité des propos de cette femme violée, dira-t-elle, en soulignant que “lors de son enlèvement, elle a laissé plusieurs enfants dont un bébé qu'elle allaitait”. Le second cas est celui d'une fille qui s'est retrouvée enceinte après avoir été violée par un terroriste. “Sa grossesse était la pire des choses qui pouvait lui arriver à tel point qu'elle retournait cette violence envers elle-même en se lacérant et en se déchirant totalement le corps”, révélera Mme Belala. Les démarches administratives de l'association pour un avortement ont été sans succès, indiquera-t-elle. “Mais cette femme avait avalé, je ne sais quoi et a réussi à avorter. Refusant de jeter l'embryon auquel elle a donné naissance, elle a décidé de l'enterrer avec une prière. Après cela, elle s'est totalement métamorphosée en reprenant une vie pratiquement normale”, expliquera Mme Belala. Une autre femme, mère de huit enfants, et qui n'avait pas de logement, a été violée par les terroristes. “Nous avons réussi après de multiples démarches à avoir une décision d'attribution de logement. Cette attribution a, malheureusement, été annulée après l'arrestation de son mari pour non-dénonciation de terroristes et, étant marié, elle ne pouvait pas avoir de logement à son nom.” Un autre problème juridique s'est posé pour cette femme : “Quand elle a appris que le jeune qui l'avait kidnappée et violée était son voisin, descendu du maquis, elle l'a attaqué en justice. Malheureusement, ce terroriste a été acquitté car, en définitive, c'était sa parole contre la sienne. Le fait que c'est son voisin, qui avait l'âge de son fils, qui l'avait violée, l'avait beaucoup plus affecté que le fait d'avoir été violée par cinquante autres terroristes”, indiquera Mme Belala. N. M.