Au Maroc et en Tunisie, on crée plus de PME qu'en Algérie. Le Centre des études stratégiques du journal Echaâb a organisé hier à Alger, une conférence-débat sur le thème “La crise financière mondiale et les défis de la mondialisation”, animée par des experts algériens, canadiens et français, centrée essentiellement sur le développement de la petite et moyenne entreprise. Le professeur canadien André Joyal de l'Institut de recherche sur les PME a indiqué que si la crise qui frappe actuellement l'économie mondiale est ressentie moins sévèrement au Canada, c'est en partie grâce aux petites et moyennes entreprises innovantes. Mais parce que le Canada a eu la sagesse de ne pas déréglementer “d'une façon aveugle”. Il a été d'ailleurs beaucoup question du rôle de l'Etat durant les débats. Si M. Léo Dayan, économiste à l'université de Paris I et directeur scientifique du laboratoire mondial pour le développement durable, s'inquiète du retour de l'Etat et des tentatives protectionnistes, le professeur André Joyal estime que l'Etat a toujours un rôle à jouer, “mais un Etat meilleur, facilitateur, un Etat partenaire efficace des entreprises”. Olivier Torrès, de l'Association internationale de recherche en entrepreneuriat et PME, souligne la notion de territorialité, l'importance à accorder au territoire et leur politique d'accompagnement des entreprises. Le P-DG de l'Institut international de management d'Alger (Insim), le docteur Abdelhak Lamiri, a relevé la subsistance des restes de l'économie socialiste et dirigiste plus portés sur une culture grande entreprise. Ce qui fait qu'aujourd'hui, les institutions, les banques sont prisonnières de leur logique de grande entreprise. Si bien que le Maroc et la Tunisie créent plus de PME que l'Algérie. En Algérie, on estime le nombre de PME entre 430 000 et 440 000 alors qu'au Maroc, il est de 1,2 million. En termes de création d'entreprises, le docteur Lamiri affirme qu'en Algérie on crée 70 entreprises pour 100 000 habitants par an alors que les pays de niveau similaire en créent 350 par an. L'économie algérienne reste ainsi tributaire des recettes d'hydrocarbures. Le P-DG de l'Insim parle d'une chance pour développer le secteur de la petite et moyenne entreprise, en évoquant le plan d'investissement quinquennal, de 150 milliards de dollars, annoncé par le président de la République. M. Abdelhak Lamiri évoque deux scénarios possibles. “Soit nous allons faire ce que nous avons fait dans le passé. Nous allons les injecter dans la création d'infrastructures. C'est-à-dire faire du keynésianisme en Algérie”, estime le P-DG de l'Insim, expliquant que les politiques de demande ne fonctionnent pas dans une économie en transition et de surcroît sous-industrialisée. Ces politiques sont très utiles et valables dans les pays à économie de marché avancé. “Les fondamentaux de base d'une économie ne sont pas présents pour le cas de l'Algérie, c'est-à-dire les institutions correctement réglées. Nous n'avons pas investi suffisamment dans l'intelligence humaine pour que les ressources injectées soient démultipliées”, souligne M. Abdelhak Lamiri, constatant d'ailleurs que le “multiplicateur keynésien” également appelé “multiplicateur d'investissement” est négatif dans l'économie algérienne. (La théorie du multiplicateur établit qu'un investissement additionnel produit un effet démultiplié sur le niveau de la production et de l'emploi). “On a injecté 18% du produit intérieur brut injecté par an, et on a eu une croissance seulement de deux points supplémentaires. Ce qui veut dire que l'économie algérienne est encore une économie qui détruit de la richesse”, regrette le P-DG de l'Insim. M. Lamiri suggère un autre scénario, qui consiste à changer radicalement de politique économique et privilégier les véritables facteurs-clés de succès d'une économie celle de l'Algérie : privilégier les dépenses en vue d'améliorer qualitativement les qualifications humaines, moderniser le management institutionnel et orienter les ressources vers la création d'un tissu de PME/PMI moderne tout en finançant les réussites, mettre à niveau les universités, les centres de recherche et le système de formation professionnelle… vaste programme. Ce scénario “idéal” permettra de construire une économie durable déconnectée des recettes pétrolières. Le P-DG de l'Insim estime que “l'Algérie a fait trop d'infrastructures, peut-être plus qu'il n'en faut. On n'a pas obtenu les résultats voulus. Nous avons besoin de moderniser encore les infrastructures, mais pas de ce même montant-là. C'est exagéré”. M. Abdelhak Lamiri suggère aussi la nécessité de mettre en place “une institution cerveau”, à l'image de l'Institut national d'étude de stratégie globale (INESG) “qui malheureusement ne joue pas ce rôle”. Pour M. Belayat du FLN, le problème ne se pose pas au sommet de l'Etat, mais au niveau local où se nichent “la bureaucratie et la corruption”. M. R.