Lors d'une émission radiophonique diffusée hier, le Premier ministre a évoqué, outre la situation et les perspectives de l'économie, la lutte antiterroriste ainsi que la prochaine élection présidentielle. En plus du travail effectué par l'administration, la révision des listes électorales par l'introduction de souplesses, surtout pour faciliter la “correction” des mal inscrits, le recensement du corps électoral qui n'est pas loin, selon Ahmed Ouyahia, invité hier matin des trois chaînes de la Radio nationale, des 20 millions, la préparation des bulletins, les 45 000 bureaux prêts, les mesures sécuritaires, il y a l'installation de la commission politique de surveillance du scrutin. Et contrairement à l'avis de certains candidats qui ne trouvent aucune utilité à cette commission (présidée par M. Teguia), Ahmed Ouyahia, s'appuyant sur l'expérience des scrutins multipartites, a estimé qu'elle devrait être intégrée comme partie dans la loi électorale. Et à la demande du gouvernement, la rémunération des membres de la commission sera alignée sur celle des élections de 2007. Il a déploré, cependant, “l'absence d'une culture politique” dans certains partis. Quant à la question de la légitimité du boycott et de la possibilité de voir les boycotteurs siéger dans la commission, il a lancé une flèche à “ceux qui sont absents pendant cinq ans et reviennent” à des occasions, tout en considérant que le boycott n'est pas un crime ni un délit passible d'amende. Toutefois, a-t-il précisé, qu'“il n'est pas la démocratie”. “La culture politique, ce n'est pas la balle en touche”, dit-il. Les citoyens sont intéressés par la présidentielle Sur le taux d'abstention, l'appréciation du Premier ministre est nuancée. Du point de vue sociologique, la présidentielle est considérée comme un pilier contrairement à la députation (élection qui enregistre le plus fort taux d'abstention). Le citoyen est intéressé par la présidentielle à travers le programme qui va dans son intérêt et l'intérêt du pays et aux municipales, parce que le maire est là et s'occupe de ses problèmes. Le reste est question de sensibilisation. Opération que mène l'administration, mais qui est aussi du devoir des partis, des candidats et de leurs sympathisants, a estimé Ouyahia. Il a exclu par ailleurs de “distinguer la Kabylie comme fief du boycott en expliquant que les gens votent s'ils se sentent intéressés”. “Je n'accepte pas le partage du pays en parties”, dit-il, en mettant l'accent sur les problèmes qui se ressemblent dans toutes les régions. Le terrorisme est sérieusement réduit Concernant les mesures sécuritaires, il a indiqué qu'“on ne renforce jamais un dispositif comme si tous les jours la vie du citoyen est secondaire. Le dispositif est en permanence et les services de sécurité sont sur les dents”, dit-il, reconnaissant que bien que “le terrorisme soit sérieusement réduit, croire qu'on en est à l'abri est de la pure fiction”. Cependant, d'autres mesures accompagnent le dispositif à l'occasion de cette élection. Cela dit, comme l'a souligné Ahmed Ouyahia, le terrorisme algérien est “lâche”. “C'est le terrorisme à l'algérienne qui frappe sans distinction ou l'autre dimension suprême, le kamikaze”. “Le risque sécuritaire est là”, d'où l'appel à la vigilance. Quant à la démarche de réconciliation nationale qu'entend poursuivre le candidat Bouteflika, Ouyahia a affirmé qu'elle se fera parallèlement à la lutte contre le terrorisme. Cela permettra, selon lui, de régler certains problèmes qui restent en suspens. Il en est de même pour les Patriotes où il distingue deux catégories. Ceux qui ont participé au combat contre le terrorisme et qui ne sont plus actifs qui ont besoin de mesures pour leur réinsertion sociale et les volontaires encore en activité dont les indemnités marginales seront améliorées. Au plan économique, le débat était dominé par la crise financière et les dernières décisions du gouvernement “assimilées” à du protectionnisme. Le Premier ministre défend le protectionnisme de l'économie La situation financière du pays, a rappelé Ouyahia, permet de faire face à la crise pendant les trois à quatre prochaines années. Il a, cependant, remis en cause l'ouverture tous azimuts même s'il a considéré l'option économie de marché irréversible. Il marquera le pas concernant les partenariats et les privatisations. Il citera les exemples de l'allemand Linde Gaz partenaire majoritaire de l'ENGI (gaz industriel), qui n'a non seulement pas investi, mais a détruit l'entreprise pour faire de l'importation. Et de se demander : que font les deux cadres algériens membres du conseil d'administration ? “Si c'est à refaire, ce seront 60% pour l'Algérie et 40% pour le partenaire”, dit-il, soulignant que “l'Algérie n'est pas un bazar” pour les importations. Quant à l'accusation de protectionnisme, il se défendra, arguant que les mesures prises en Occident pour la protection des mouvements des marchandises, des capitaux sont des signes de la fin de cycle du système de la globalisation initié à la fin des années 1970. “Qu'ils ne viennent pas nous donner des leçons”, dit-il. Même exemple avec les cimenteries particulièrement celle de Meftah, dont l'offre est trois fois inférieure à un modèle identique en Tunisie, ou le CPA, dont l'offre de prise de parts a été exigée à 51% ou rien. L'installation d'une banque privée à l'étranger est soumise à la présence au conseil d'administration d'un membre (sans apport) du pays d'accueil ! Pourquoi pas en Algérie ? Et Ouyahia de citer des cas de partenariat “naturel”, comme le saoudien Pharaon qui détient 35% de la cimenterie de Béni-Saf ou Lafarge avec les mêmes parts dans la cimenterie de Chlef. Au plan social, particulièrement la question des salaires, Ouyahia n'a pas tranché, mais il reviendra sur les critères qui s'appuient sur les mesures pour la relance économique qui induiront une hausse du pouvoir d'achat. En clair, la revalorisation du SNMG est soumise au rendement économique. La stratégie industrielle au banc des accusés Il a, cependant, critiqué le projet de stratégie industrielle qui a fait, selon lui, plus l'objet de communication que d'actes. D'ailleurs, a-t-il souligné, cette stratégie n'a même pas été présentée au Conseil des ministres. Allusion sans doute à l'énorme retard enregistré quant à la mise en œuvre de cette stratégie chère à Abdelhamid Temmar. “Chaque équipe a son style, et je n'ai pas pour style de faire de la propagande”, a-t-il encore déclaré, ajoutant qu'il a eu à prendre parfois des mesures qu'il n'a pas annoncées. Désormais, elle doit être “adaptée au papier millimétrique des mesures annoncées”, a-t-il précisé. Elle repose essentiellement sur le secteur public qui devient une priorité à travers la préservation de l'outil existant selon une logique sélective et selon la logique économique qui est basée sur “le plan de charge”. Le secteur privé, lui, manque de culture entrepreneuriale. L'importance accordée aux grandes entreprises publiques dans ce schéma concurrentiel est motivée par la perspective de la zone de libre-échange totale avec l'Union européenne en 2017. Frontières algéro-marocaines : “Ce ne sont pas les appels médiatiques qui vont les régler” Au plan international, il a réagi à des questions plutôt régionales impliquant directement l'Algérie. Sur la question sahraouie, il a salué la nomination de Christopher Ross, représentant du SG de l'ONU pour le Sahara occidental, mais rappelle le principe de l'Algérie, membre observateur, qui est pour l'autodétermination du peuple sahraoui. Mais, “nous attendons de voir”, a-t-il souligné. Même constance au sujet de l'ouverture de la frontière avec le Maroc. “Les Marocains connaissent les problèmes posés. Ce n'est pas avec des appels médiatiques ou les instances internationales qu'on va les régler”, a-t-il répondu rendant ainsi la balle dans le camp marocain. L'Algérie est partie prenante de l'UPM, dit Ouyahia pour lever toute équivoque sur la question, mais il a exclu que cela soit “un passage détourné pour normaliser avec Israël”. Il a considéré, enfin, que le mandat d'arrêt contre le président soudanais est une injustice. La CPI traite avec une politique de deux poids deux mesures, a affirmé Ouyahia qui l'accuse de s'être tue devant la barbarie à Gaza il y a trois mois. L'Algérie, qui considère que cela n'est pas encourageant, travaille avec d'autres organisations pour éviter cela. Il égratignera au passage la légitimité de cette cour où aucun grand pays ne siège. Djilali Benyoub