Aussi surprenant que cela puisse paraître, le colonel Kadhafi, qui gouverne la Libye depuis le coup d'Etat du 1er septembre 1969 sans passer par des élections, s'est prononcé contre la limitation des mandats des chefs d'Etat sur le continent africain, en affirmant qu'“annuler ou supprimer tout article qui limite le mandat du président, ce n'est pas antidémocratique”. Au moment où la remise en cause du principe de la limitation des mandats présidentiels prend de l'ampleur en Afrique, comme l'indiquent les opérations de modification des constitutions engagées dans de nombreux pays, le leader libyen Mouammar El-Kadhafi a pris fait et cause avec ce mouvement au cours de sa visite à Niamey au Niger, où le président nigérien Mamadou Tandja espère un changement constitutionnel afin qu'il puisse rester au pouvoir. Le colonel Kadhafi, qui n'a jamais organisé d'élections présidentielles au suffrage universel en Libye qu'il dirige depuis bientôt quarante années suite au coup d'Etat du 1er septembre 1969 contre le roi Idriss Senoussi, s'est en effet déclaré contre la limitation des mandats présidentiels en Afrique. Au cours d'un banquet offert en son honneur par le président nigérien dimanche, le chef de l'Etat libyen a déclaré selon les médias gouvernementaux locaux : “Je prends parti pour les amendements des Constitutions africaines. Je suis pour la liberté de la volonté populaire, il faut que le peuple choisisse celui qui doit le gouverner, même pour l'éternité.” Ne s'arrêtant pas à ce stade, il expliquera sa vision des choses en ajoutant : “Ce que je voudrais dire, c'est qu'annuler ou supprimer tout article qui limite le mandat du président, ce n'est pas antidémocratique.” “À supposer que la Constitution interdise à un président de briguer plus de deux mandats et que le peuple dise "moi je veux de ce président", est-il raisonnable de respecter le texte écrit sur un bout de papier et ne pas respecter la volonté populaire ?” s'est-il interrogé le président en exercice de l'Union africaine. Ce soutien inconditionnel à ceux qui ont modifié les constitutions de leurs pays, ou qui ont l'intention de le faire, intervient au moment où le président nigérien souhaite briguer un nouveau mandat, à la fin de son deuxième, et normalement dernier mandat. Ses partisans lui demandent de “parachever de grands chantiers”, notamment la construction d'un barrage, d'un second pont sur le fleuve Niger ou d'une raffinerie, alors que la majorité de la classe politique nigérienne, qu'elle soit proche de l'opposition ou du pouvoir, s'oppose à toute modification de la Constitution qui ne lui permet pas de se maintenir au pouvoir après dix ans à la tête du pays. Pour rappel, son second mandat expire à la fin de l'année en cours. Il n'en demeure pas moins que le colonel Kadhafi justifie son soutien à Mamadou Tandja en estimant que “si le peuple est d'accord avec les performances du programme d'un chef d'Etat, il peut lui demander de continuer un troisième, un quatrième et cinquième mandat”. Il s'est même permis de demander à “l'opposition de ne pas s'y opposer”. Merzak Tigrine