L'Afrique humiliée est le quatrième livre de l'écrivaine malienne Aminata Traoré. Elle était aussi ex-ministre de la Culture sous la présidence d'Alpha Oumar Konaré, un poste qu'elle quitta aussitôt et rapidement afin de retrouver ou plutôt recouvrer sa liberté. Une liberté à double niveau, à savoir celle du mouvement et celle de la parole. La genèse de cet essai remonte à l'année 2007, plus précisément au mois de juillet de cette année-là. En effet, le 26 juillet 2007, le président français Nicolas Sarkozy a prononcé une allocution à Dakar (Sénégal) dans laquelle il a tenu des propos jugés racistes et teintés de “couleurs” et “nuances” néocolonialistes. Ce discours a été prononcé à l'université Cheikh-Anta-Diop de la capitale sénégalaise, devant un parterre important, composé de personnalités, enseignants et autres étudiants. Et pour mieux comprendre l'essence, voire le cœur de cet ouvrage, il faut ou, tout simplement, il suffit de remonter jusqu'à cette fameuse allocution du président français. D'une durée de 50 minutes, ce discours, selon les spécialistes de la scène politique et surtout de la scène africaine, “semblait dénoter une méconnaissance de l'Afrique et de son histoire”. Le ton utilisé a suscité une vive émotion, frisant la polémique, provoquant ainsi moult réactions, que ce soit en Afrique ou dans le monde. Donc, à travers ce livre, Aminata Traoré revient sur cet événement, mais avec des arguments très précis. D'ailleurs, le titre est plus que révélateur. Cet essai est une sorte de réquisitoire, dénonçant par-là même “la méconnaissance” du vieux continent du rôle qu'a eu “l'homme africain” dans l'histoire. D'ailleurs, ce “rôle” a été reconnu, quelque temps après l'incident (le discours) par Henri Guaino (conseiller de Sarkozy et rédacteur dudit discours), qui est revenu, dans le Monde, sur les déclarations, affirmant que “l'homme africain est entré dans l'histoire et dans le monde, mais pas assez (…)”. L'Afrique humiliée remet sur le tapis de l'histoire les vérités et, surtout, les réalités que beaucoup ignorent ou tout simplement occultent. Structuré autour de dix-sept chapitres, l'auteure aborde, un à un, les “fléaux” qui ont “contribué” ou “précipité” l'Afrique dans le “chaos” et/ou marasme actuels, qui ont enfoncé ce continent, malgré ses richesses, dans la pauvreté et la dépendance. Entre autres “phénomènes” évoqués par Aminata Traoré, L'ennemi subsaharien dans lequel elle aborde un peu la question identitaire, d'appartenance et d'affirmation. “Obsédante est la question du soi dans un monde bouleversé, tourmenté. Nous, peuples d'Afrique, autrefois colonisés et à présent recolonisés à la faveur du capitalisme mondialisé, ne cessons de nous demander : qui sommes-nous ? Et surtout : que sommes-nous devenus ?”, écrit-elle en page 21. Dans le chapitre II, intitulé L'insulte, l'auteure revient sur l'épineux problème de l'immigration, où elle explique que ce flux migratoire venant de l'Afrique n'est qu'une façade quant à l'existence de certains comportements “racistes” en France : “Si l'immigration africaine — noire et arabe — n'existait pas, la droite décomplexée l'aurait inventée en vue de donner aux Français l'impression qu'elle les protège contre les étrangers. Dans cette tactique politicienne, l'"ennemi subsaharien" est le bouc émissaire parfait (…)” (Page 39). Dans le chapitre VI, Une jeunesse sacrifiée, c'est le phénomène de la jeunesse africaine qui est abordé. Une jeunesse quasi perdue, “sacrifiée”, comme l'indique si bien le titre de ce chapitre. En fait, chaque chapitre aborde un élément ou un phénomène qui remet en question certaines assertions. De plus, la préface de Cheikh Hamidou Kane explique le pourquoi de cet essai et donne plus de détails sur le sentiment qui a poussé Aminata Traoré à l'élaborer. Par ailleurs, on remarque que la plupart des chapitres commencent par des citations d'illustres défenseurs de l'Afrique. L'Afrique est humiliée est un cri de femme. “Pour autant, il ne s'agit nullement de jérémiades ni de pleurnicheries mièvres.” Amine IDJER L'Afrique humiliée d'Aminata Traoré, Casbah Editions 2008, prix : 600 DA