Un angle d'attaque concret et pertinent en matière de stratégie industrielle, celui de la sous-traitance, émerge en cette semaine de polémiques finalement assez abstraites pour ne pas dire non productives sur cette question essentielle de l'économie algérienne. Partons des faits car ils sont têtus. Jusqu'à présent, les milieux d'affaires et les pouvoirs publics traitent du développement de la PME, considéré par tous comme la solution pour une croissance durable, paradoxalement du seul point de vue de l'offre. Ainsi de façon récurrente on se préoccupe sous diverses formes et à juste raison d'ailleurs des questions de mise à niveau, de financement et de foncier industriel. Mais on oublie l'essentiel : leur marché. Des PME pour quoi faire? Et c'est à juste titre que ZaIm Bensaci, président du Conseil national de la PME, vient recadrer, dans une table ronde du quotidien El Moudjahid, la problématique sur cet aspect essentiel : la difficulté d'accès de la PME au segment de marché le plus important celui de la sous-traitance. De façon plus précise, sachant la situation de récession dans laquelle se trouve l'industrie qui ne participe au PIB qu'à hauteur de 5%, il met plus l'accent sur le secteur de l'énergie comme gisement stratégique pour la sous-traitance industrielle. Il évalue ainsi le montant des importations de pièces de rechange dans ce secteur dans une fourchette de 3 à 4 milliards de $. Mais force est de constater que ce segment de marché n'a pas beaucoup profité aux PME algériennes et il faut en identifier les raisons. Pourtant depuis des décennies on a tout essayé : des politiques et des instruments ont été élaborés et mis en œuvre. Donnons quelques exemples. Les politiques d'abord. Il faut à ce sujet rappeler, dans les décennies 70, 80 et 90, les politiques d'ingénierie “décomposée” de la Sonelgaz —, au lieu des "clés en main" actuels (EPC) —, pour intégrer dans ses installations le maximum de services et de biens locaux. Il faut se souvenir également des tentatives d'essaimage et d'externalisation faites par le groupe Sonatrach dans les années 90 et début 2000 sur les plates-formes industrielles de Hassi-Messaoud, Skikda, Arzew. Les instruments ensuite. Une étude sur le marché algérien des biens d'équipements pétroliers avait été faite par l'entreprise nationale d'engineering pétrolier (ENEP) pour le compte du ministère de l'Energie pour examiner la faisabilité de production de certaines gammes de pièces. Une bourse nationale et un réseau régional de sous-traitance ont été mis en place avec l'appui du Pnud et l'Onudi. Tout cela dans un moment particulier, celui de la décennie 90 caractérisée par une désindustrialisation intense et un déficit de ressources. Moyennant quoi dès qu'il y a eu abondance d'argent, on a eu tendance à oublier ces politiques et ces instruments mis en place pour tout importer car c'est tellement plus facile. Cependant une exception, la SNVI a été l'un des rares opérateurs industriels à maintenir le cap sur cette option comme le rappelle son P-DG Mokhtar Chahboub qui affiche 30% d'achats locaux, pourcentage qu'il souhaite porter à 50% dans les trois prochaines années. De 10 sous-traitants locaux en 1988, la SNVI est passée à 500 en 2009. Alors quels enseignements en tirer pour des actions concrètes ? Le secteur de la PME songe à plus d'efficacité opérationnelle en transformant l'espace intermédiaire de la sous-traitance en institution plus formelle sous forme de conseil ou d'organisme. Là n'est pas l'essentiel de mon point de vue. Il s'agira tout simplement que les champions du secteur de l'énergie mettent en œuvre la priorité accordée au réseau de sous-traitance locale et l'accompagne techniquement et commercialement. Cela nécessitera de se doter d'outils d'engineering adéquats et de développer les deux filiales logistiques de Sonatrach d'Arzew et de Skikda (SOMIZ et SOMIK). Avec les références de la Sonatrach et de la Sonelgaz, cela pourra même constituer des plates-formes d'exportations de biens et services sur les marché émergents des biens d'équipements pétroliers (Libye, Arabie Saoudite, Egypte, Golfe, Iran, Nigeria, Angola, etc.). On vous disait bien que la Zone arabe de libre-échange (Zale) ne servait pas seulement à y exporter des truffes bios qui inondent actuellement les marchés du Golfe. Mais en attendant mieux c'est toujours cela d'acquis. M. K.