Plutôt que d'affaiblir Ben Laden et Al-Qaïda, l'invasion de l'Irak, vécue comme une agression injustifiée par le monde arabo-musulman, les a renforcés et a dopé le terrorisme islamiste à travers le monde, en créant des conditions psychologiques propices au recrutement. Il y a six ans, le 20 mars 2003, commençait la deuxième guerre d'Irak avec des bombardements massifs du sud du pays par l'aviation américaine. Vingt jours plus tard, le 9 avril, Bagdad était déjà sous le contrôle de l'armée américaine. Vendredi passé, alors qu'une frappe américaine avait fait 11 tués parmi les insurgés la veille, des partisans de l'imam chiite radical, Moqtada al-Sadr ont brûlé des bannières étoilées des Etats-Unis et scandé des slogans hostiles à la présence américaine sur le sol irakien. “Aujourd'hui, c'est une commémoration de la cruelle occupation de l'Irak et le 9 avril il y aura un chant de la libération”, a lancé un imam au cours du prêche du vendredi à Sadr City, avant d'annoncer une marche grandiose pour le 9 avril, date anniversaire de la prise de Bagdad, pour demander le départ immédiat des forces d'occupation. Aux Etats-Unis aussi les “anti-guerre d'Irak” se sont mobilisés à l'occasion du triste anniversaire. à Washington, près de 3 000 personnes ont manifesté et déclaré être soutenues par un millier d'associations. Demandant le retrait immédiat des troupes américaines d'Irak, les manifestants ont marché du Lincoln Memorial, en passant par le Pentagone, jusqu'à Arlington County, en Virginie, où ils ont déposé des cercueils vides près du cimetière national. “Nous avons besoin d'écoles et de travail, pas de guerre”, “Stop à la guerre ! ", pouvait-on lire entre autres sur les pancartes et les banderoles brandies par les manifestants. À Los Angeles, des manifestations similaires ont eu lieu et des personnes se sont allongées en plein Hollywood Boulevard, en mémoire aux soldats américains tués en Irak. À San Francisco, également, une marche a été organisée, mais elle s'est soldée par de violents affrontements avec la police. Pour rappel, le président Obama a promis de désengager 100 000 hommes d'ici à l'été 2010 et de retirer l'intégralité des troupes avant fin 2011. Trop précipité pour les partisans de la guerre, pas assez rapide pour les autres, le calendrier du retrait des troupes américaines d'Irak a quelque peu mis en difficulté Barack Obama, y compris dans son propre camp. La guerre a été déclenchée sur la base d'informations infondées et d'accusation fallacieuses montées de toutes pièces par les officines de renseignement après les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles de New York. Le régime de Saddam Hocine était alors accusé à tort d'être lié au réseau terroriste d'Al-Qaïda, qui avait revendiqué l'attentat, et de détenir des armes de destruction massive. Il est établi aujourd'hui que l'une comme l'autre des accusations n'avaient aucun fondement et que la guerre a été décidée sous la pression du complexe militaro-industriel et du lobby pétrolier américain, proches des ultralibéraux au pouvoir à Washington. Plutôt que d'affaiblir Ben Laden et Al-Qaïda, l'invasion de l'Irak, vécue comme une agression injustifiée par le monde arabo-musulman, les a renforcés et a dopé le terrorisme islamiste à travers le monde, en créant des conditions psychologiques propices au recrutement. La promesse de démocratie faite par Bush au peuple irakien s'est transformée en cauchemar. Le communautarisme ethnique et religieux a été exacerbé et les minorités chrétiennes, par exemple, sont l'objet de persécutions et forcées de quitter le pays, alors qu'elles vivaient en toute intelligence avec leurs compatriotes musulmans. Entre chiites et sunnites, c'est une guerre ouverte. Le pays, réduit en ruine, est à feu et à sang depuis six ans et les institutions mises en place demeurent très fragiles. Et, pendant qu'une force de frappe monumentale est mobilisée par une guerre injuste en Irak, Ben Laden et son organisation sont tout aussi opérationnels et l'Afghanistan s'est transformé en un véritable sanctuaire pour eux. Ne serait-ce que pour avoir déclenché la guerre contre l'Irak sous des prétextes non recevables et pour des objectifs inavouables, l'ex-président américain George W. Bush restera sans doute dans l'histoire comme le pire président que l'Amérique ait jamais eu. M. A. Boumendil