Les leaders de l'Alliance présidentielle et les présidents du Parlement, qui prêchent la bonne parole pour le 3e mandat, semblent se confondre dans des efforts inutiles, tant le Président sortant ne manque pas un jour de campagne sans rappeler aux citoyens ses réalisations pendant les dix années qu'il a passées à la tête de l'Etat et sans promettre monts et merveilles s'il est conforté dans son fauteuil de premier magistrat du pays. Le discours distillé par Ahmed Ouyahia hier à la salle omnisports de Bou-Ismaïl (Tipasa) est expurgé de la verve et de la qualité qui ont fait la réputation du patron du RND. Devant un public nombreux, qui a été ramené pour la majorité à bord de minibus de transport scolaire ou loués auprès de particuliers des communes voisines et même plus lointaines, l'homme à la double casquette — secrétaire général du Rassemblement et Premier ministre — a parlé, pendant une heure, de différents thèmes de campagne porteurs (retour de la sécurité, lutte contre le chômage, résorption de la crise du logement, projets de développement…), sans s'appesantir outre mesure sur un sujet ou un autre. Il a commencé par affirmer que le pays a bel et bien renoué des liens solides avec la paix. “Mais n'oublions pas ce que nous avons vécu à cause du terrorisme”, a-t-il nuancé en rendant hommage aux services de sécurité et aux Patriotes. Dans le sillage, il n'a pas manqué de décerner au président de la République une médaille de mérite pour sa démarche inhérente à la réconciliation nationale, “grâce à laquelle le pays a pu retrouver la paix et la stabilité”. Le chef de l'Etat, candidat à sa propre succession pour la deuxième fois, est également félicité pour la réalisation de un million de logements, dont 900 000 unités sont déjà distribuées, selon le premier responsable du RND, le recul du taux de chômage et la mise de l'Algérie à l'abri des secousses de la crise financière mondiale par le biais “d'une politique éclairée dont la gestion réfléchie a permis au pays de disposer de réserves de change estimées à 140 milliards de dollars”. Ainsi, il aura dit ce qu'il fallait pour inciter les électeurs de Tipasa à voter massivement le 9 avril et de préférence pour le Président-candidat. Il a évidemment fustigé les partisans du boycott, qui ne proposent pas d'alternatives. “Il faut donner une leçon à ceux qui appellent au boycott en allant voter”, a-t-il recommandé. Il a lancé aussi quelques diatribes en direction de ceux qui disent que l'issue du scrutin est jouée d'avance. “On dit que Bouteflika djaïz djaïz, et il aura la victoire incha'Allah”, a-t-il admis comme pour rajouter de l'eau à leurs moulins. Il a quitté la salle aussitôt le temps imparti à son meeting — une heure — écoulé. Rendez-vous est pris, pour l'après-midi, pour un rassemblement à Bordj El-Kiffan (banlieue est d'Alger). À Guelma, Abdelaziz Ziari, président de l'Assemblée populaire nationale, a demandé aux citoyens de donner leur voix à l'actuel locataire du palais présidentiel qui rempile pour un troisième mandat. “Cette majorité absolue que nous voulons sera un atout important pour le candidat indépendant Abdelaziz Bouteflika pour la continuité des réalisations programmées au titre du développement”. Dans la ville voisine, Annaba, Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation, a déclaré soutenir “la candidature de Abdelaziz Bouteflika parce qu'il a tenu sa promesse depuis son arrivée au pouvoir. De plus, il est le seul candidat en possession d'un vaste programme de développement, lequel accordera davantage d'intérêt aux questions de l'heure dans tous les domaines. Ce programme accorde surtout un intérêt particulier au problème du chômage”. Le meeting de Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN, programmé pour hier à Tiaret, a été annulé car le Président-candidat était dans la wilaya à la faveur de sa campagne pour la présidentielle. À vrai dire, depuis le lancement officiel de la campagne électorale le 19 mars dernier, le Premier ministre, les deux présidents du Parlement, le secrétaire général du FLN et le président du MSP multiplient les rencontres avec les électeurs pour défendre l'ambition d'Abdelaziz Bouteflika de garder les clés du palais d'El-Mouradia le temps d'un autre quinquennat. Les cinq hommes semblent, néanmoins, se confondre dans des efforts inutiles pour des raisons évidentes. D'abord, Abdelaziz Bouteflika ne manque pas un jour de campagne sans rappeler aux citoyens ses réalisations pendant les dix années qu'il a passées à la tête de l'Etat et sans promettre monts et merveilles s'il est conforté dans son fauteuil de premier magistrat du pays. Puis, les concurrents déclarés du Président-candidat font réellement fonction de figurants dans une course électorale pas du tout à la hauteur des aspirations des citoyens, aussi bien au niveau du discours politique que des programmes socioéconomiques. L'unique enjeu de l'élection présidentielle réside dans le taux de participation, espéré assez fort pour donner à la victoire de M. Bouteflika plus de crédit. En définitive, c'est peut-être là le secret de la mission confiée à Ahmed Ouyahia et les autres, c'est-à-dire inciter les électeurs à faire le déplacement jusqu'aux bureaux de vote le 9 avril prochain. Ou peut-être investissent-ils dans leur propre avenir politique, qu'ils voudraient étroitement corrélé à celui du Président réélu. Souhila H.