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“Mon rêve a duré une journée”
Diplômé de l'université d'Annaba, il a choisi de prendre le large
Publié dans Liberté le 24 - 03 - 2009

C'est l'histoire d'un migrant clandestin. Un parmi tant d'autres qui n'hésitent pas à embarquer sur une chaloupe de fortune au péril de leur vie. Face à la mer, Abdelghani, diplômé de l'université d'Annaba, nous plonge dans les détails de sa fuite du pays. Dj. Abdelghani est originaire de la ville d'Annaba. Diplômé en marketing, à 28 ans, il a décidé avec ses 12 camarades de promotion de franchir le cap de l'aventure européenne.
Après avoir passé une année au chômage et cumulé les petits boulots ainsi que les refus de visa d'études, l'idée de partir en Europe clandestinement a germé dans sa tête. “Je ne songeais pas à partir, je voulais simplement exercer mon métier. Vite, j'ai compris que travailler en Algérie n'est pas synonyme d'indépendance, encore moins d'un avenir heureux”, confesse Abdelghani. Benjamin de sa famille, il a du mal à supporter de vivre aux crochets de son père retraité. “Nous sommes cinq enfants, tous bacheliers et aucun de nous n'est marié ni n'a pu se faire une situation, alors que nous travaillons”, précise-t-il.
Selon notre témoin, après avoir économisé l'argent du voyage, (50 000 DA), la préparation de son escapade lui a pris seulement cinq mois. Il explique, par ailleurs, que le passeur leur a donné des contacts et c'était le rôle des harragas d'acheter la barque, le moteur, le GPS, ainsi que les bidons d'essence. “J'ai cumulé des boulots pour payer honnêtement mon voyage. Pour ce qui est de l'achat du moteur, du GPS ainsi que la barque, je n'ai pas cherché à comprendre, on nous a mis en contact pour notre affaire”, indique-t-il. Et d'ajouter que leur projet était prêt dès le mois de février avec “l'embarcation dissimulée dans le sable du côté de l'oued, nos bagages ficelés et mes parents informés, sans donner de détails, du projet de mon émigration. Il fallait attendre le moment opportun pour partir”, raconte-t-il.
Le jour J
Au bout de cinq mois à guetter la météo, le moment était venu. C'était le 22 juin dernier, la nuit était étoilée, il faisait chaud, la mer était calme et le vent venait du Sud. Il y avait toutes les conditions requises pour prendre un nouveau départ. À 3h00 du matin, l'embarcation est sortie sous le pont d'oued Seybouse. À bord, 17 personnes dont 12 camarades de la même promotion de l'université d'Annaba, notamment Abdelghani. Fabriquée en bois rouge par le menuisier du quartier, la chaloupe a pris le large de la plage de Sidi Salem. Naviguant dans l'obscurité totale avec des rames, leur seul repère était la lune et les étoiles, jusqu'à ce qu'ils arrivent dans les eaux internationales. Une fois là-bas, ils ont mis en marche le GPS qui les guidera jusqu'en Sardaigne. “De peur d'être repérés par les radars des gardes côtes, nous ramons dans le noir jusqu'aux eaux internationales”, raconte Abdelghani. Parcours scolaire irréprochable, fils d'ancien moudjahid, ce jeune de 28 ans avait la tâche de surveiller le GPS. Selon lui, l'ambiance dans la barque était plutôt conviviale et le départ s'est fait en chansons, jusqu'à ce qu'ils soient surpris par une panne de moteur. “Nous avons paniqué, mais au bout de 20 minutes, la panne était réparée”, précise-t-il. La traversée était longue. Après 18 heures en mer, les esprits s'échauffèrent et le ton monta, particulièrement suite à l'infiltration des eaux dans l'embarcation. Le calme dans l'embarcation est revenu à la vue de la terre ferme. “Même les meilleurs amis se disputent dans des situations pareilles”, justifie le jeune homme. Les harragas ont accosté sur une petite plage d'un village perdu de la Sardaigne, après 22 heures de navigation. “C'était un rêve que je réalisais, je me voyais déjà réussir et envoyer des euros à ma famille”, raconte-t-il ému. Arrivé à terre, les harragas ont porté leurs beaux habits pour passer inaperçus, puis ils se sont dispersés. Quelques heures après, Abdelghani ainsi que ses copains se sont fait arrêter par les carabiniers italiens. Ils ont été conduits directement au centre de rétention des émigrés clandestins. “Nous avons paniqué lorsque le consul algérien nous a rendu visite. L'idée de l'évasion m'a frôlé l'esprit, mais peine perdue, il y avait trop de surveillance”, regrette-t-il. Au bout de 20 jours d'enquête, retour à la case départ. Abdelghani ainsi que ses quatre copains de voyage sont escortés par 10 policiers italiens jusqu'à l'aéroport Houari-Boumediène. “Mon rêve a duré une journée. La prochaine fois, je ferai en sorte qu'il tienne toute une vie”, conclut-il.
N. A.


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