Al-Kadhafi doit jubiler ! Son accession à la présidence de l'Union africaine — et de l'UMA — coïncide avec une avalanche de coups d'Etat. La méthode ne semble point l'importuner, lui qui s'en est allé expliquer aux Mauritaniens, chez eux, qu'il fallait accepter le fait accompli. L'actualité continentale lui donne raison en banalisant la pratique du putsch et en rappelant un fait de sous-développement : en Afrique et au Moyen-Orient, il n'y a que deux sources de légitimité des pouvoirs : la religion et la force. Dans une partie de l'espace en question, des royautés et principautés d'un autre temps, souvent placées là par le colonisateur en partance, se réfèrent encore à une raison dynastique antique associée à une sainte ascendance pour justifier la mainmise, souvent autoritaire, de quelques tribus sur de vastes territoires et sur leurs populations. Dans l'autre, des “républiques”, invariablement instituées par les hiérarchies des armées de libération transformées en régences autocratiques au lendemain des indépendances. Parfois, ces régimes, forcés par les luttes politiques locales et/ou l'évolution des opinions internationales ou pour faire bonne figure dans les forums, miment la construction de dispositifs institutionnels démocratiques tout en imaginant, simultanément, les moyens de les neutraliser. Par la contrainte, ou par le subterfuge, quand le contexte n'autorise pas le tout-répressif, ces régimes se succèdent par hérédité politique comme les royautés se succèdent par hérédité biologique, empêchant les institutions de remplir leur fonction d'encadrement de l'expression de la volonté des peuples et de la compétition politique. Ces régimes paradoxaux, du point de vue historique, se sont donné des instances régionales qui, on l'observe, assurent leur solidarité de régimes décriés par leurs peuples. Ils servent aussi à les protéger des reproches de partenaires qui, guidés par la seule défense de leurs intérêts, s'accommoderaient bien de ces dictatures, mais ne peuvent pas toujours le faire sans subir, à l'occasion, la condamnation de leurs propres opinions publiques. L'UA aura été inventive dans l'auto-légitimation collective de ces régimes, en concevant “le mécanisme d'évaluation par les pairs” de leurs gouvernances respectives : tu me juges, je te juge ! C'est cette communauté politique structurée par des pouvoirs essentiellement issus de coups de force, dont certains hommes forts sévicent depuis quarante ans, qui a voulu, un jour, mettre fin à la culture du putsch. Ils ont oublié que, n'ayant pas pensé à donner l'exemple en renonçant à un pouvoir qu'ils ont pris par la force, ils continuent à faire école ! Et c'est cette communauté qui se charge de vérifier périodiquement la transparence des semblants d'élections qui s'organisent dans chacun de nos pays. Ce sont donc des représentants de la démocratie arabe et de la démocratie africaine qui sont en charge de vérifier, chez nous, la régularité d'une élection tranchée depuis au moins le 12 novembre 2008. C'est ainsi que l'Afrique et le monde arabe organisent, dans la solidarité régionale, leur stagnation politique. M. H.