L'Algérie a insisté pour remettre la présidence de cette organisation au profit de la Libye. “Il faut mettre l'UMA au frigo”, avait lancé Al-Kadhafi sur le ton d'une boutade, au dernier sommet euro-méditerranéen (5+5) tenu à Tunis. Ce qui apparaissait comme une frivolité, une de plus du chef de l'état libyen, s'est avéré être une résolution ferme. Comme attendu, le septième sommet de l'Union du Maghreb arabe n'aura pas lieu. Prévu aujourd'hui à l'hôtel Sheraton Club-des-Pins, il est reporté à une date indéterminée. Selon Abdelaziz Belkhadem, ministre des affaires étrangères, cet ajournement a été décidé à la demande de la Libye. Intervenu, hier, au cours d'une conférence de presse, le chef de la diplomatie algérienne a révélé la réception, il y a deux jours, d'une requête orale de Tripoli comportant ce report. Le communiqué final de la réunion préliminaire des ministres des affaires étrangères des cinq pays membres fait mention de cette sollicitation. Le document distribué à la presse met, par ailleurs, en relief l'“insistance de l'Algérie à quitter la présidence de l'UMA” qui, conformément aux statuts de l'organisation, est revenue à la Libye. Entamés, dimanche dernier, dans l'après-midi, les travaux de la conférence ministérielle se sont achevés en queue de poisson, hier matin, avec l'annonce du fameux report. La veille, jusqu'à tard dans la soirée, les représentants des différents gouvernements se sont attelés à trouver une formule idoine pour sauver la face et éviter un clash fatal. “Nous avons écouté les présidents des différents organismes qui composent l'Union dont les présidents du conseil de la choura et de l'Académie maghrébine, les responsables syndicaux… Un huis clos restreint a ensuite réuni les ministres en présence du secrétaire général pour faire un exposé clair des raisons du report”, a souligné Belkhadem. Quelles sont-elles ? Bien que relancé par les journalistes, le ministre des affaires étrangères a refusé d'aller dans le détail. “Depuis quelque temps, la Libye a engagé un processus de normalisation avec un certain nombre de partenaires occidentaux et s'y consacre entièrement”, s'est contenté de répondre le conférencier en faisant allusion à l'annonce par Tripoli au développement de l'arme nucléaire. Accaparé par sa nouvelle idylle avec l'Occident, Al-Kadhafi a-t-il le droit de mettre en veilleuse la construction communautaire ? “J'ai demandé au gouvernement libyen d'envoyer des experts à Alger pour examiner l'état des lieux de l'Union et ses perspectives. Il a accepté”, a expressément fait remarquer notre chef de la diplomatie. Ainsi formulée, cette déclaration se veut un rappel à l'ordre de l'Algérie à l'adresse de la Libye, manifestement peu encline à se fondre dans un destin commun. Pis, Al-Kadhafi a fait montre d'une légèreté telle, qu'il s'est cru en droit de fixer une autre date — le 6 janvier prochain — du sommet. “Nous avons refusé”, a tranché Belkhadem. Perçue comme un caprice, cette demande a, de toute évidence, irrité les responsables algériens. Ne laissant rien paraître, le ministre a préféré s'en tenir à des impératifs de calendrier. “Nous avons reçu la requête 48 heures avant la tenue du sommet. Et puis, il n'est pas sûr que tous les chefs d'état soient disponibles le 6 janvier”, a-t-il expliqué. Peu importe les raisons invoquées pour la seconde fois, l'hospitalité de l'Algérie est accueillie par un superbe mépris. “Nous avons soumis la date du sommet à l'approbation de tous les membres. Ils ont accepté”, a soutenu Belkhadem. Que s'est-il passé alors ? Depuis quelques jours déjà, de forts soupçons ont pesé sur la tenue de cette rencontre. Viendra ne viendra pas, la défection (prévisible) du roi du Maroc, Mohammed VI, s'est confirmée, hier, avec son remplacement au sommet par son ministre des affaires étrangères. “De toute façon, il ne me l'a pas dit”, a précisé Belkhadem. Il a rencontré le souverain la semaine dernière à Marrakech, où il lui a remis l'invitation du président Bouteflika. Pour autant, l'absence du roi ne semble pas avoir importuné outre mesure le gouvernement algérien. “Comme je l'ai dit auparavant, c'est un sommet des états et non pas des chefs d'états”, a répliqué le chef de la diplomatie algérienne en précisant qu'il appartient à chaque état de designer son représentant. “Il faut savoir que depuis l'existence de l'UMA, seulement deux sommets, la rencontre constitutive de l'organisation à Marrakech et celle de Zéralda, ont réuni les cinq chefs d'état”, a-t-il souligné. Depuis, le dernier sommet organisé à Tunis en 1994, plus aucun autre n'a eu lieu. à cette date, l'Algérie, qui avait la charge de la présidence de l'UMA, devait être remplacée par la Libye, conformément aux statuts de l'organisation. Ceux-ci prévoient, dans l'article 4, une présidence annuelle tournante. Or, dans le cas de notre pays, ce mandat s'est prolongé depuis près d'une décennie. Arguant sa mauvaise posture au niveau international, la Libye a refusé d'assumer sa responsabilité. De son côté, le Maroc a tout simplement gelé sa participation en mettant en avant son différend avec l'Algérie, après les attentats de Marrakech et l'instauration de visa pour nos compatriotes. “En dépit de tout cela, nous avons effectué un grand travail pour redynamiser l'Union”, s'est enorgueilli Belkhadem. Pour étayer son propos, il a fait l'énoncé du nombre important de réunions multilatérales aussi bien ministérielles qu'au niveau des experts, 60 au total. Résultat, si en fin de compte l'Algérie n'est pas parvenue à organiser le sommet, ce n'est pas de sa faute, ni “un échec diplomatique”, dixit le ministre des AE. S. L. Belkhadem : “Nous n'avons de conflits avec quiconque” Selon le ministre des affaires étrangères, les raisons du report du sommet de l'UMA tiennent plus des raisons internes d'un ou des Etats que d'un quelconque différent entre les cinq membres. “Nous n'avons de conflits avec quiconque”, a-t-il rétorqué, en guise de réponse à une question sur le contentieux avec le Maroc. En juin 2002, le sommet n'avait pas eu lieu principalement en raison de la défection du souverain alaouite. Le froid qui s'est installé dans les relations mauritano-libyennes suite aux soupçons exprimés par Nouakchott quant à une implication de Tripoli dans le coup d'Etat fomenté cette année contre le président Ould Taa, explique, par ailleurs, l'absence des chefs d'Etat de ces deux pays. La présidence de l'UMA Un cadeau empoisonné “Cette année, nous n'avons pas jugé utile d'organiser un sommet pour passer le relais à la Libye”, a indiqué le ministre des affaires étrangères. En clair, l'Algérie, qui voulait, coûte que coûte, se débarrasser de la présidence de l'UMA, ne comptait pas se faire piéger comme en 2002, et continuer, contrainte, à veiller aux destinées d'une organisation dont personne d'autre ne veut. Compte tenu de cette situation, il est illusoire de croire à un avenir de l'UMA ou à sa refondation comme le souhaitent les algériens. “Il faut la mettre à l'abri des circonstances et des caprices”, a préconisé Belkhadem. À bon entendeur… S. L.