Visite-marathon du président français dans des capitales sub-sahariennes dont l'intérêt est outre le degré de rapprochement de leurs dirigeants avec la France, leurs matières premières. Sarkozy devait livrer sa vision de la coopération franco-africaine à Kinshasa, la caricature même des maux qui frappent le continent noir : un pays immensément riche mais proie de conflits régionaux alimentés par des appétits extra-africains. En réalité, le président français s'est contenté de reprendre la politique africaine de ses prédécesseurs avec la nouveauté que son emballage est plus soft car paraissant de prime abord moins néocolonialiste. Sa proposition de “nouvelle donne” aux Africains est de fait du réchauffé puisque déjà au Cap en février 2008, il avait dit vouloir changer le modèle des relations entre la France et l'Afrique. Et c'est resté au stade de ce vœu. C'est que la France n'a plus les moyens de ses ambitions en Afrique., bousculée qu'elle l'est par les Etats-Unis, la Chine et d'autre grands pays émergents à la recherche de matières premières et de marchés. L'Inde et le Brésil sillonnent eux aussi le continent. D'ailleurs, Paris a déjà marqué du recul sur ce que les Français avaient toujours considéré comme leur “carré” et auquel, de De Gaulle à Jacques Chirac, l'Elysée se faisait un devoir de l'alimenter coûte que coûte, même au prix d'ingérences manifestes. Nicolas Sarkozy s'est vu dans l'obligation de procéder à la renégociation des accords de défense franco-africains. La présence française dans le continent est devenu hors de portée d'une France qui n'est plus une grande puissance économique et dans plusieurs pays africains les regards sont désormais dirigés vers les Etats-Unis ou la Chine, sans compter le retour sur le marché des armes de la Russie. Finalement, la nouveauté pour Sarkozy, c'est d'essayer de propager autant se peut une politique guidée “exclusivement par des intérêts économiques”. Sa résolution d'abolir “ce que le passé a laissé d'obscurité” n'est que propagande dès lors qu'il refuse, selon ses mots, “la repentance” pour les méfaits coloniaux de la France. Or, et les nouvelles générations africaines le disent aujourd'hui avec vacarmes, il n'y aura pas de relations franco-africaines apaisées tans que la France officielle ne regarde pas le passé colonial. Pour ces mêmes générations, au Tchad, au Rwanda, ou Congo-Brazzaville, pays hôtes de Sarkozy, la France s'est rendue complice de dérives de régimes et de bien d'autres choses. Le président français a même recommandé à ses hôtes de “ne pas s'appesantir sur le passé” ! Au Congo-Kinshasa, il a évoqué la mise en commun de ses ressources, alors que ce pays est depuis 15 ans la proie de guerres qui ont fait plus de 3 millions de morts et qu'il est systématiquement pillé par ses voisins, ses propres seigneurs de guerre et des multinationales. Au Niger, Sarkozy ne s'en est pas caché, l'Afrique reste pour la France un réservoir de matières premières. Areva, le leader mondial du nucléaire va exploiter la plus grande mine d'uranium au monde quant aux populations nigériennes, ce n'est pas la tasse de thé de la France. À Brazzaville, l'autre Congo, Sarkozy a déclaré que la démocratie et les droits de l'Homme faisaient partie de l'héritage commun de l'humanité. Double discours hallucinant : en Afrique, l'Elysée parle de démocratie tout en soutenant des régimes peu recommandables. Sarkozy, de ce point de vue, se situe dans la continuité de ses prédécesseurs. La Françafrique décomplexée (version Sarkozy) sera pire que la Françafrique ? Pour la petite histoire, Nicolas Sarkozy avait promis la rupture avec la Françafrique et au soir de sa victoire à la présidentielle, il avait juré qu'il ne laissera jamais tomber un défenseur des droits de l'Homme. Aujourd'hui, aux intérêts du CAC 40, le silence prévaut. Cynisme !