Les images hideuses du mal-vivre des citoyens, jeunes et moins jeunes, hommes ou femmes sont aux antipodes de la “chiffrite”, une maladie du chiffre (on ne parle que de milliards de dollars ou de dinars), devenue le nouveau péché mignon du discours politique ambiant. Il est paradoxal de voir défiler les chiffres relatifs à la multitude de projets et voir, en même temps, la situation économique et sociale régresser de manière perceptible malgré tous les plans et autres dispositifs mis en place pour alléger les pesanteurs du quotidien des Algériens. Une halte est nécessaire pour vérifier si les dispositifs sont fiables, sous-exploités ou mal conçus. Les images hideuses du mal-vivre des citoyens, jeunes et moins jeunes, hommes ou femmes sont aux antipodes de la “chiffrite”, une maladie du chiffre (on ne parle que de milliards de dollars ou de dinars), devenue le nouveau péché mignon du discours politique ambiant. Les projets de développement, du reste nombreux et diversifiés, absorbent des moyens considérables sans pour autant que la croissance frémisse. Le chômage est endémique parce que le nombre de jeunes en âge de travailler dépasse de très loin l'offre, sans compter la précarité de la situation de ceux qu'occupe le gouvernement à travers les différents dispositifs de préemploi. Abdelaziz Bouteflika a raison de critiquer un gouvernement qui aurait dû faire preuve de plus de conséquence et de rationalité. Les engagements qu'il a pris, au cours de cette campagne électorale, sont généreux mais difficiles à réaliser si, après sa réélection, les mêmes moyens structurels sont reconduits en l'état. Le problème n'est pas d'ordre financier, mais de déficit en prospective, en communication et en innovation pour s'adresser à chaque frange de la société de manière distincte et spécifique. Et pour ce faire, il est nécessaire d'avoir des canaux de communication appropriés et une conduite unitaire de la communication gouvernementale. Il est universellement reconnu que la PME représente un vivier par excellence pour l'emploi et la croissance. Nicolas Sarkozy, le président français, avait déclaré, au lendemain de son élection, qu'il avait besoin de 10 000 PME nouvelles pour relancer la croissance ; il ne les a pas eues parce que la crise des subprimes pointait à l'horizon. En Algérie, les annonces de nouvelles statistiques se suivent et ne se ressemblent pas, et malin celui qui connaît le nombre exact des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE). Ces dernières, les plus nombreuses, sont plutôt familiales et réfractaires au formalisme ; soit pour des raisons culturelles, fuir le mauvais œil, soit pour des raisons matérielles, pas très innocentes, se cacher des impôts et des tracasseries administratives. Les instruments statistiques, les enquêtes sociologiques, l'identification des entreprenants et le travail de proximité n'ont pas droit de cité. Presque tout le monde se contente d'une solution de facilité en puisant les informations générales disponibles au niveau du Centre national du registre du commerce. Pour le reste, la manipulation des chiffres est un art consommé. À l'instar des autres pays, la PME est identifiée et reconnue par le nombre de ses employés et par son chiffre d'affaires. En Algérie, on reconnaît, dans les textes, une PME quand elle emploie de 10 à 50 travailleurs avec un chiffre d'affaires annuel ne dépassant pas 5 milliards de centimes. En Europe, il faut multiplier par 10, c'est-à-dire 500 employés et 50 milliards de nos centimes de chiffre d'affaires. Le sujet polémique, par excellence, reste la mise à niveau des entreprises qui est, sur le terrain, le parent pauvre de l'approche gouvernementale, malgré les incessants appels du président de la République et la multitude de textes pris et de structures installées. Faut-il rappeler qu'un décret présidentiel concernant le financement du programme de mise à niveau, au profit de l'Agence nationale du développement de la PME (un milliard de dinars par an sur 6 ans), n'a pu être mis en œuvre que trois ans et demi après sa signature par le président de la République. Finalement, il a été placé sur le compte du ministère et est géré par un triumvirat. L'ANDPME avait fait du surplace malgré la volonté de ses cadres, parce que son statut d'EPA ne lui donnait aucune prérogative de travailler librement et de s'adapter aux contraintes, en affrontant l'adversité du terrain et la complexité de la tâche. Les pesanteurs administratives et bureaucratiques d'un tel statut ne permettent aucune initiative. Il semble, selon M. Benbada, que la demande de changement de statut (introduit depuis plus de deux ans, ndlr) a, aujourd'hui, abouti. Le programme proposé, dans ce cadre, fait état d'une mise à niveau de 1 000 entreprises par an. Grossièrement, il faut attendre quatre siècles pour faire bénéficier les 400 000 PME et TPE des bienfaits du programme préconisé. Il est vrai que les responsables du secteur s'en défendent, en avançant un argument respectable, à savoir la sélection d'entreprises structurantes. Faut-il, pour ce faire, avoir non seulement une critériologie rigoureuse mais aussi une parfaite maîtrise des entreprises qui restent à identifier et à lister pour suivre leur évolution. Il reste à savoir de quelle nature est une entreprise structurante. Pour qu'elle soit structurante, il faut qu'elle-même soit bien structurée. Et pour cela, elle doit passer par… la mise à niveau. Pour qu'elle rayonne sur son environnement immédiat, il faut qu'elle maîtrise son corps de métier, qu'elle fasse dans la productivité pour aspirer s'investir ou encourager des tiers à s'investir dans des activités annexes ou connexes. Le contenu du programme de la mise à niveau est un autre sujet polémique parce que le programme proposé est appelé “une mise à niveau sud”, c'est-à-dire former les managers à l'abécédaire de l'entreprise. Contrairement à ce qui se passe en Algérie, ailleurs, c'est-à-dire dans des pays comme le nôtre, il est prodigué “une mise à niveau nord”, c'est-à-dire centrée sur l'exportation, sur la conquête du marché à l'international. À titre d'exemple, le séminaire organisé à Béjaïa, pour les PME qui travaillent dans le secteur touristique, portait sur un thème précis, l'accueil des touristes. Et le reste ? Faut-il oublier la gestion, la restauration, le marketing, la publicité, la promotion des produits du tourisme balnéaire et saharien, le partenariat avec les agences nationales et étrangères, le transport terrestre et aérien, les assurances... Combien de séminaires faut-il, dans ce cas d'espèce, pour déclarer qu'une entreprise est mise à niveau ? Une question devenue récurrente sur le rôle de la PME dans la société de l'information et l'économie du savoir, et réciproquement, inquiète les scientifiques et les dirigeants d'entreprise qui cherchent une meilleure productivité d'autant que, depuis 2001, l'Etat s'est engagé à promouvoir l'émergence de nouvelles entreprises dans une dynamique d'évolution et d'adaptation technologique. La promotion de PME de la nouvelle économie par des mesures incitatives et la création d'une banque de développement spécialisée pour la PME et l'artisanat étaient, pourtant, le cheval de bataille dans le programme du gouvernement. Il était même question d'un programme spécifique de mise à niveau de PME disposant d'un potentiel d'exportation. Enfin, le temps est venu de chercher toutes les opportunités pour confronter les idées des uns et des autres et pour pouvoir faire avancer les choses. Les trois millions de postes de travail, promis par le président de la République, pendant cette campagne électorale, pour le prochain quinquennat sont à ce prix. A. B.