Jeudi, jour du vote, le siège du FNA de la rue Tanger dégage une atmosphère de vague inquiétude. En tout cas, l'ambiance n'était pas à la fête. Loin s'en faut. Les visages crispés, les quelques cadres du parti se trouvant à l'intérieur de leur siège esquissent de petits sourires de circonstance. C'est comme s'ils avaient un avant-goût de la débâcle qui se prépare. Aux environs de 15 heures, pas trace du candidat du parti Moussa Touati. “Il est avec les équipes de deux chaînes de télévison arabes”, dira M. Tir, le chargé de communication, le seul habilité à parler aux journalistes. “Notre candidat a voté ce matin à l'école du 24-Février à Médéa, accompagné de sa mère”, précise-t-il. Quels échos parviennent de l'intérieur à la direction du FNA ? Les nouvelles ne sont pas bonnes. Selon, M. Tir, le scrutin est marqué par beaucoup de dépassements dans nombre de wilayas (Mila, Aïn Defla, Blida, Alger, Bouira, Blida…). Enumérant les “irrégularités'' qui ont entaché l'élection, M. Tir affirme qu'“à Mila, par exemple, des gens ont voté sans présenter de carte d'électeur ou d'identité. Le matin, à l'ouverture des bureaux, certaines urnes ont été trouvées pleines de bulletins. À partir de 11h, des chefs de centre refusent, sans explication aucune, de communiquer les taux de participation à nos surveillants qui ont été empêchés d'accéder aux bureaux.” “Nous avons constaté beaucoup de dépassements.” Aussi, dès 16h, le FNA a décidé de saisir le Premier ministre en sa qualité de président de la commission nationale chargée du suivi des élections, le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice. Ce n'est qu'à 18h que M. Touati, le sourire aux lèvres, sort de son bureau pour animer un point de presse. D'emblée, il a égrené lui aussi les innombrables dépassements qui ont émaillé le scrutin de jeudi. “Tout l'encadrement des bureaux de vote est assuré par les fonctionnaires des APC. Les surveillants de bureau sont absents. Des institutions étatiques ramènent dans des bureaux de vote des militaires, des policiers et même des étudiants pour faire croire aux journalistes qu'il y a une grande affluence. Nous ne sommes pas d'accord pour ce genre de pratiques”, accuse-t-il avant de préciser : “Ça ne me dérange absolument pas que des éléments des corps constitués votent. Mais dans le cadre légal qui leur est réservé.” Interpellé pour expliquer son refus de rejoindre les trois candidats qui ont voulu coordonner leurs efforts pour un meilleur et large contrôle des bureaux de vote, M. Touati s'est justifié en soutenant que “nous avons demandé aux trois candidats d'organiser une séance de travail mais ils ont refusé. Et une fois qu'il est trop tard, ils ont lancé leur initiative. On n'est pas d'accord avec leur façon de travailler. Chacun poursuit des objectifs individuels.” Mais il ne s'est pas empêché de dire que ses 13 600 surveillants n'ont pas trouvé, jeudi, avec qui faire alliance pour contrôler le déroulement du scrutin. Quant au taux de participation, M. Touati a maintenu ses déclarations, faites il y a quelques jours, en soutenant que la participation ne dépasserait pas les 40%. “Ils ont reçu des instructions verbales de porter le taux de participation à 60%. Le gonflement du taux se fera au bénéfice de celui qui a déclaré qu'un président qui n'est pas élu avec une majorité écrasante n'est pas un président. Ils comptent lui offrir une victoire écrasante. Mais je ne crois pas qu'ils vont toucher aux suffrages qui s'exprimeront en ma faveur”, explique-t-il. Du point de vue de Moussa Touati, il est pratiquement impossible aujourd'hui d'avoir une élection transparente en Algérie. “Un fonctionnaire qui est nommé par décret ne peut pas jouer avec le feu. Chacun défend sa place. Il faut qu'une autre culture s'instaure en Algérie”, professe-t-il. Que fera M. Touati maintenant que le président de la République est réélu ? “Nous sommes des militants, on ne se laissera pas faire. Nous allons agir au moment opportun. Ceci dit, je resterai toujours dans l'opposition.” Première action : une conférence de presse qu'il compte animer aujourd'hui.