Beaucoup d'incertitudes demeurent : l'évolution des prix du pétrole, le soutien conséquent ou non à la mise à niveau des entreprises locales, le transfert de savoir-faire, la formation et les garanties liées à la maintenance en contrepartie de gros contrats attribués aux sociétés étrangères. Le président Bouteflika s'est engagé à consacrer 150 milliards de dollars dans le développement des infrastructures. “Outre le développement des infrastructures de transport terrestre, nous parachèverons également la modernisation de l'exploitation des ports. De même, nous réhabiliterons nos capacités de transport maritime de marchandises”, avait souligné le candidat Bouteflika. Le président de la République s'est engagé à renforcer les capacités d'irrigation agricole, y compris dans les Hauts-Plateaux où sera conduite la réalisation de grands transferts, à partir des nappes albiennes du Sud. Les programmes d'investissements publics dans les autres secteurs, notamment le bâtiment et les travaux publics ou l'hydraulique, offriront d'importants plans de charge pour la relance industrielle. Le chef de l'Etat précise que la poursuite du développement sera entrepris sans recours à l'endettement extérieur et en comptant d'abord sur la mobilisation des ressources financières disponibles localement. “C'est dans ce cadre que s'inscrit la création récente d'un Fonds national d'investissement qui sera doté d'un capital public de 150 milliards DA et qui aura une capacité de financement de plus de 1 000 milliards DA durant les cinq prochaines années”. Le candidat Bouteflika avait évoqué, dans son programme, “la promotion de l'énergie solaire dont nous possédons de grandes capacités, ainsi que de l'énergie nucléaire à des fins exclusivement pacifiques”. Pour certains économistes, comme le professeur Abdelhak Lamiri, “continuer à injecter de l'argent public dans l'économie n'est pas la bonne solution, faute d'entreprises capables de créer des richesses. Le pays aura certes des infrastructures, mais pas d'économie durable”. L'Algérie a injecté 18% du PIB annuellement pour améliorer la croissance de 2% seulement. Par ailleurs, notre pays n'a pas encore construit des capacités nationales pour assurer la maintenance de ses infrastructures, une fois achevées. Pour le professeur Lamiri, l'Algérie doit investir massivement dans le développement humain et les petites et moyennes entreprises (PME/PMI) pour substituer la production nationale à l'importation et aussi moderniser ses institutions. Dans ce domaine, les moyens mis en place paraissent insuffisants. Faute d'un programme de mise à niveau à grande échelle, les entreprises algériennes capables d'exporter ne sont pas nombreuses. M. Lamiri avait à plusieurs reprises indiqué que l'Algérie a une économie qui dilapide les ressources au lieu de créer des richesses. “Il faudrait rendre les entreprises et les institutions plus efficaces pour créer beaucoup de richesses avec peu de ressources”, a-t-il souligné. Beaucoup de gaspillage a été constaté lors des deux précédents plans de relance. Alors que ce gaspillage aurait pu être évité si les projets étaient mieux étudiés. Alors que les coûts initiaux sont pour la plupart sous-estimés, les coûts finaux sont, à l'inverse, très souvent surestimés. C'est pourquoi la faiblesse de la capacité d'absorption induit des risques considérables de coûts trop élevés. Il y a des raisons justifiées que des ressources puissent être déviées vers des objectifs différents, pouvant induire des dépenses inutiles et de la corruption. En outre, après la mise en service de tous ces équipements, le budget de l'Etat sera fortement sollicité pour le financement des charges récurrentes induites : frais de personnel plus importants et autres moyens de services. “Les subventions nécessaires pour la distribution de l'eau dessalée, le transport urbain par métro et tramway, les subventions d'équilibre pour l'autoroute Est-Ouest et celles à prévoir pour le transport par chemin de fer et la production d'électricité s'additionnent pour atteindre des sommes très importantes qui sont autant de charges pour le budget”, avait averti l'ancien grand argentier du pays Abdelatif Benachenhou. “Cela peut représenter une dépense majeure, aussi forte que celle liée au service de la dette publique dans les années 1990 et 2000, avant le paiement par anticipation de la dette extérieure”, a-t-il estimé. Bien que l'épargne accumulée ces dernières années et le niveau confortable des réserves de change permettent de soutenir la mise en œuvre continue du programme d'investissement public, les autorités sont bien conscientes du nécessaire surcroît de prudence et d'efficacité dans la conduite de leurs politiques afin de préserver la stabilité macroéconomique. Davantage d'efforts doivent être consentis pour promouvoir le développement du secteur privé afin de relever le défi de la diversification de l'économie, ancrer une croissance hors hydrocarbures forte et durable et réduire le chômage qui reste encore élevé, particulièrement parmi les jeunes. Meziane Rabhi