Jusqu'à 10% des insuffisances rénales sont héréditaires. 5 000 dialysés n'ont pas la possibilité d'avoir un rein d'un ascendant direct ou d'un collatéral. La loi algérienne sur les donneurs vivants est restrictive. Le prélèvement d'organes sur des cadavres est freiné par les traditions. Une journée médicale sur les néphropathies héréditaires, animée hier au CHU de Béni-Messous, a suscité un débat sur le retard de l'Algérie dans le dépistage précoce des maladies génétiques et sur la problématique du don d'organes. Le Pr Rayane, chef de service de néphrologie à l'hôpital Parnet, a indiqué que 7 à 10% des insuffisances rénales chroniques sont d'origine héréditaire. “Il est important de les diagnostiquer précocement et de donner aux familles des conseils génétiques, c'est-à-dire éviter les mariages consanguins et faire dans la prévention pour prolonger la survie”. Lors de son exposé à l'amphithéâtre Mohamed-Redjimi de l'hôpital universitaire, le Pr J.-P. Grünfeld, exerçant à l'hôpital Necker, a souligné que le diagnostic des néphropathies héréditaires commence par une enquête familiale et l'exploration des manifestations extra-rénales, comme une malformation de l'oreille, de l'œil, lésions cutanées ou des doigts et des orteils. “Il y a beaucoup d'organes qu'il faut regarder pour détecter une maladie rénale”, a conseillé le néphrologue français. Il a développé ensuite les types de maladies rénales héréditaires, et les perspectives thérapeutiques. Il a assuré qu'il existe actuellement des remèdes pour de nombreuses maladies génétiques, comme le syndrome de Fabry, induit par un déficit dans la production — par le corps — d'une enzyme “indispensable dans le fonctionnement cellulaire”. Il en reste autant, ou certainement davantage, pour lesquelles le traitement n'est pas encore trouvé, à l'instar de la polykystose rénale. Au-delà de leur caractéristique d'incurabilité (pour certaines), les pathologies héréditaires souffrent — en Algérie du moins — du manque de moyens de dépistage. Selon le Dr Zerdoumi, les tests génétiques permettent de repérer 70% des mutations pathogénétiques. Leur réalisation n'est toutefois pas courante dans le pays. Le Pr Rayane a affirmé que le dépistage anténatal de certaines maladies génétiques est possible par un examen échographique. L'indication médicale favorise alors l'avortement thérapeutique. “Il faut sensibiliser les religieux”, a-t-il recommandé. Le cheval de bataille du Pr Rayane et de ses confrères dont le Pr Benabadji, chef de service néphrologie du CHU Béni- Messous, reste la greffe rénale. “Il est important de relancer rapidement le don d'organes à partir de donneurs cadavériques”, a-t-il souligné. “Quelles que soient nos prouesses, nous ne pouvons pas, sinon, dépasser 200 greffes par an, alors que notre objectif est de réaliser 500 transplantations rénales chaque année”. Il a signalé que 5 000 dialysés n'ont pas de donneurs potentiels dans le cercle familial. Leur seule chance reste les donneurs cadavériques. À vrai dire, le prélèvement d'organes sur des morts est autorisé autant par le législateur algérien que par la religion. Le HCI s'est référé particulièrement à un verset coranique qui dit que “les morts servent les vivants” pour émettre une fetwa favorable à cette pratique. Il n'en demeure pas moins que le prélèvement des organes viables sur une personne décédée, qui ne porte pas une carte de donneur potentiel, est soumis à l'autorisation des parents. Ces derniers refusent souvent que l'on touche au corps. Le don d'un rein par un être vivant est rendu licite par législation qu'entre parents et enfants ou frères et sœurs. Ces dispositions deviennent encore plus incongrues dans le cas d'une maladie rénale héréditaire. “En France, le don de rein a été élargi aux grands-parents, tantes et oncles et conjoints unis depuis plus de 2 ans, il y a 5 ans”, a témoigné le Pr Grünfeld. Et c'est justement l'assouplissement des lois sur le don de rein par une personne vivante et la levée des écueils sur le prélèvement d'organes sur des morts que veulent aboutir les praticiens algériens. D'autant qu'“aucun pays n'a réussi à couvrir ses besoins en matière de transplantations d'organes uniquement à partir de donneurs vivants”, pour paraphraser le Pr Grünfeld.