En marge du colloque international sur la traduction pluridisciplinaire, qui s'est ouvert hier au Palais de la culture, les experts dans le domaine de la traduction ont évoqué la loi portant code de procédures civile et administrative qui vient d'entrer en vigueur. Après les juristes, les traducteurs affichent leur incompréhension. Placé sous le patronage du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, et dans le cadre de la commémoration du centenaire de l'université d'Alger, le département d'interprétariat et de traduction organise, depuis hier et jusqu'à demain, en collaboration avec le palais de la culture Moufdi-Zakaria, un colloque international intitulé “Traduction, pluridisciplinarité et traversée des frontières”. En présence d'experts (algériens et étrangers), ce colloque qui s'articule autour de séances plénières le matin, et d'ateliers pour les étudiants l'après-midi, tend à insister sur la nécessité de la pluridisciplinarité du traducteur. Ce dernier doit tenir compte du contexte et prendre en considération les facteurs interculturels, comme l'a souligné la communication du président de la Société d'études en lexicographie et étymologie française et arabe (Selefa), Paul Balta (qui a longtemps vécu en Algérie), absent pour des raisons de santé, mais dont la note de lecture de son ouvrage intitulé L'Art de vivre en Méditerranée : traversée des frontières a été lue par Naïma Lefkir Laffitte. Place ensuite au traducteur et secrétaire de Selefa, Roland Laffitte, qui s'est intéressé, de son côté, au mot “fantasia” le qualifiant de “mot-réseau méditerranéen” ; il a démontré que ce terme est partagé par l'ensemble des pays méditerranéens à des variations près, avec toutefois plusieurs significations variables, selon les régions. Dans sa communication très technique, l'universitaire, également directrice du laboratoire de langage de science cognitive et de communication (Slancom), Nacéra Zellal a affirmé que “le texte ne se traduit pas, il s'adapte”. Pour ce faire, les facteurs extralinguistiques sont extrêmement importants. Cette première séance plénière, présidée par l'ancienne ministre et traductrice Boutheïna Cheriet, a démontré que l'objet d'étude du traducteur l'oblige à être pluridisciplinaire. Par ailleurs, ce colloque se tient dans un climat assez particulier, à savoir la mise en application depuis le 25 avril dernier de la loi 08-09 du 25/02/2008, portant sur le code de procédures civile et administrative. À ce propos, Mme Cheriet nous a déclaré qu'“il arrive très souvent dans des pays comme l'Algérie (des Etats en train de se construire) qu'il y ait la décision politique d'abord pour diverses raisons historiques, et ensuite on pense à l'apport des experts. Or, de nos jours, je crois que 46 ans après l'Indépendance, nous pouvons nous permettre d'avoir le luxe d'utiliser nos experts avant de prendre la décision politique. En cette matière, je ne connais pas le domaine, c'est-à-dire que je ne sais s'il faut absolument aller vers le monolinguisme… je ne connais même pas le problème. En fait, vous vous adressez à quelqu'un qui peut parler généralement de la situation des langues, de la traduction en Algérie, mais je ne connais pas chaque domaine. Nous devons aller vers l'étude des besoins. Mais est-ce que ceux qui ont pris cette décision ont tout ce qu'il faut comme bases scientifiques pour aller de l'avant ? Il se peut parfaitement que le travail ait été fait, je n'ai aucune idée ; j'espère simplement que cela ne marginalisera pas un groupe ou un autre”. De son côté, le doyen de la faculté des lettres et des langues, Mustapha Faci, a montré la même perplexité en nous révélant : “Je ne connais pas beaucoup le domaine de la justice, mais je sais que nous avons beaucoup de potentialités. Promulguer des lois c'est facile, mais il faut que cela s'accompagne par une volonté politique effective. À mon avis, on ne peut pas créer une langue ou la tuer avec une décision. De toute façon, ce sont les langues vivantes qui perdurent.” Sara Kharfi