Amar Saïfi, alias Abderrezak El-Para, vient de se joindre à l'initiative prise par Hassan Hattab et d'autres membres fondateurs du GSPC en faveur de la réconciliation nationale. De son lieu de détention, El-Para a rédigé une lettre dans laquelle il affirme avoir eu connaissance de l'initiative prise par Hassan Hattab alias Abou Hamza et de “la situation du GSPC, sous la houlette de Droukdel qui a légitimé l'effusion du sang des musulmans dans des endroits publics bondés de monde, sans distinction entre jeunes et personnes âgées, entre femmes et hommes, à travers la pose de bombes, sous prétexte de viser des institutions du régime”. Tout en affirmant que sa “position n'est pas conjoncturelle, mais née d'une conviction profonde… Dieu m'a épargné en m'éloignant du terrain de l'activité armée, pour que je me remette en cause et que je remette en cause ce qu'a réalisé le groupe (GSPC, ndlr) depuis sa création… Je me suis rendu compte que l'action armée dans notre pays a causé beaucoup de tragédies à notre peuple et il était difficile d'éviter les déviations, comme ce fut le cas, par le passé, avec le GIA et comme c'est le cas aujourd'hui pour le GSPC”. Amar Saïfi le dit clairement : “J'ai regretté ce que j'ai fait et j'ai prié Dieu pour que ceux qui restent au maquis en fassent de même.” El-Para estime que “l'action de Hassan Hattab est louable, dans la mesure où il a placé l'intérêt de la nation, l'arrêt de l'effusion du sang algérien et la fin de la fitna au-dessus de toute autre considération”. Pour lui, “ceux qui restent encore dans le maquis doivent se ressaisir et se poser la question : est-ce que leurs actes sont du djihad ? La vérité, ces actes n'ont aucune relation avec l'islam et les musulmans… Nous avons déjà averti, moi et mon frère Hassan Hattab, de cela en 1996, en nous retirant du GIA et en dénonçant ces actes criminels”. El-Para évoque l'accaparement par Droukdel du commandement du GSPC en 2004, en affirmant que ce dernier “a trahi la charte établie par les fondateurs du groupe et a commencé à tuer des civils sans distinction”, non sans rappeler que trois membres fondateurs du GSPC restent encore en vie. Il s'agit de Hassan Hattab, son adjoint Abderrezak et Abou Zakaria, le responsable médical. Quant à Droukdel, “il était djoundi et travaillait dans l'atelier des fusils à Khemis El-Khechna”. El-Para lance un appel à ceux qui sont toujours au maquis, “afin qu'ils reviennent à la raison, qu'ils pensent sérieusement à déposer les armes, à retourner auprès de leurs familles et à épargner le sang des musulmans”. Il martèle son opposition à l'assassinat des civils et appelle les éléments armés à désobéir à leurs “émirs”. Il avoue n'avoir jamais reconnu l'actuelle direction du GSPC et qu'il avait entrepris des démarches auprès de quelques groupes armés pour les inciter à ne pas reconnaître cette direction. Il appelle également les jeunes, qui seraient tentés de rejoindre les rangs du GSPC, à y renoncer, en les mettant en garde contre les fatwas qui autorisent l'assassinat de musulmans sous couvert de djihad. Il en veut pour preuve “le changement de la position de celui qu'on considérait comme le mufti du djihad, l'imam Abdelkader Ben Abdelaziz, qui dévoile le vrai visage d'El-Qaïda et qui dénonce les attentats suicide sous toutes leurs formes”. Enfin, El-Para n'a pas omis d'appeler ses anciens compagnons, Abdelhamid Abou Zeid et Abdelhak Abou Khabab, de renoncer aux opérations de kidnapping des étrangers : “Ceci ne servira pas notre religion, mais servira ses ennemis. J'étais le premier à l'avoir fait et je l'ai regretté.” Pour rappel, Saïfi Ammari, ex-numéro 2 du GSPC, connu également sous les noms d'“El-Para”, d'“Abderrezak”, d'“Abou Haidara”, d'“El-Ourassi”, d'“Abderezak Zaimeche” est détenu, depuis le 27 octobre 2004. Ancien sous-officier des forces spéciales à Biskra, il a quitté les rangs de l'ANP en 1991. À son actif, plusieurs actions sanglantes : une embuscade tendue à une patrouille de l'ANP, en janvier 2003, dans la région de Theniet El-Abed. Elle s'est soldée par le lourd bilan de 43 militaires tués. Il s'était attaqué, également, durant la même année, à une patrouille de la garde communale à Aïn Fouris, dans la wilaya de Tébessa en faisant 10 morts. Saïfi Ammari se fera connaître sur la scène internationale après l'enlèvement de 32 touristes étrangers (allemands, suisses, néerlandais et autrichiens), en février 2003, dans la wilaya d'Illizi. Les forces de l'ANP avaient réussi la libération de 17 otages. Conduits par le groupe terroriste hors des frontières algériennes, au Mali, les autres otages seront libérés contre une rançon de 5 millions d'euros. Détenu depuis mars 2004 par le mouvement rebelle du MDJT, “El-Para” sera extradé du nord du Tchad vers la Libye, puis l'Algérie.C'est la première fois qu'un responsable de ce rang regrette publiquement ses actes. Il est vrai que sa situation reste encore ambiguë du fait qu'il est poursuivi dans plusieurs affaires liées au terrorisme et qu'à ce titre, il espère bénéficier des dispositions de la charte pour la réconciliation nationale. Sa sortie vient couper l'herbe sous les pieds de ses ex-compagnons encore en activité qui ont tenté de monnayer sa libération contre celle de certains de leurs otages étrangers. Mais il n'est pas le seul, puisqu'un autre détenu, et pas des moindres, vient de lui emboîter le pas, en lançant un appel similaire. Il s'agit de Samir Sayoud, alias Samir Abou Moussaâb, l'ancien numéro de l'organisation dirigée par Droukdel qui était donné pour mort en avril 2007.La lettre de Saïfi Amar a été lue par des membres fondateurs du GSPC, que nous avons rencontrés jeudi dernier à Alger. Il s'agit d'Omar Abdelbar, l'ancien responsable de la communication du groupe, Abou Zakaria, l'ancien responsable de la commission médicale, et de Moussaâb Abou Daoud, ancien “émir” de la zone 9. Ces anciens dirigeants du GSPC avaient, pour rappel, lancé une initiative, en compagnie d'Abou Hadifa Amar, ancien “émir” de la zone 5. Les quatre anciens chefs du GSPC soulignent que leur initiative est une réponse aux appels des ulémas de l'intérieur et de l'étranger pour la paix en Algérie. Leur appel constitue également un soutien aux efforts déployés par tous ceux qui veulent voir le pays renouer avec la paix, à leur tête Hassan Hattab. Ce dernier a déjà lancé un site internet dédié à promouvoir la réconciliation nationale.“Des jours, des mois et des années se sont succédé et chacun de nous attend le jour où cette tragédie prendra fin (...) L'ère du Groupe islamique armé (GIA) s'est achevée. Elle a été suivie par celle du Groupe salafiste puis, après elle, celle d'El-Qaïda et nous ignorons ce qui viendrait après El-Qaïda”, écrivent-ils dans leur appel daté du 26 mars. “Nous étions vos compagnons dans le passé et vos chefs. Même si nous ignorons votre situation actuelle, nos cœurs sont restés avec vous. Nous vous demandons de nous rejoindre et de retrouver votre vie parmi vos familles qui vous attendent. Vous aurez aussi le soutien des croyants. Ils seront les premiers à saluer votre retour. Où étions-nous et où sommes-nous maintenant ?” poursuit l'appel. Cet appel, venu soutenir celui lancé par Hassan Hattab, n'est pas le dernier, puisque ces anciens dirigeants du GSPC nous ont affirmé ce jeudi qu'ils poursuivaient leurs efforts afin de convaincre les éléments encore dans le maquis de déposer les armes. Ces anciens compagnons d'Abdelmalek Droukdel connaissent mieux que quiconque le personnage et les éléments armés encore en activité. Ils sont en train d'effectuer un travail de proximité pour sensibiliser les familles des terroristes et surtout dissuader les jeunes qui pourraient être tentés par le maquis. Ils en veulent pour preuve palpable leur statut actuel, après avoir bénéficié des dispositions de la charte pour la réconciliation nationale. Et ils sont les mieux placés pour parler de la réalité amère des maquis. Selon Omar Abdelbar, ancien responsable de la communication, l'action des anciens dirigeants du GSPC consiste à toucher les familles des éléments encore dans le maquis, mais aussi et surtout les groupes de soutien. Il affirme que leur appel a été largement distribué et a dû parvenir aux maquis. Mais il sait qu'il faudra attendre encore pour voir les fruits de ce travail de proximité. Pour Abou Zakaria, l'ancien responsable de la commission médicale, “les éléments armés attendent que le pouvoir leur ouvre les portes, qu'il ouvre des canaux de communication. Il faut qu'il y ait la garantie d'une prise en charge sociale de ces personnes”. Abou Zakaria estime qu'un effort particulier en direction des groupes de soutien est indispensable, “il faut assécher les sources du terrorisme pour que les maquis le ressentent”.Même souci chez Omar Abdelbar : “Ceux qui sont au maquis jugent en fonction de la réalité des repentis. Nous avons soulevé, à plusieurs reprises, les problèmes sociaux et juridiques qui continuent à se poser.”De son côté, Moussaâb Abou Daoud s'est longuement attardé sur le projet lancé par Hassan Hattab et soutenu par les quatre membres fondateurs du GSPC. Pour la région qu'il dirigeait (la zone 9), “nous avons tenu une réunion en présence des responsables de la région et nous avons transmis la liste de ceux qui désirent déposer les armes aux services de sécurité. Nous œuvrons toujours pour ramener le reste des éléments à la société. Des gens sont venus nous voir et ont été convaincus par notre appel”. Il confie qu'il a envoyé des intermédiaires pour rencontrer Abou El Abbas (Mokhtar Belmokhtar) pour tenter de le convaincre de déposer les armes et confirme que les éléments restés au maquis sont informés de tout ce qui s'écrit dans la presse et sur Internet. L'ancien responsable de la communication abonde dans le même sens, en confirmant que “sur le terrain, il y a une réaction positive de la part des éléments armés”. Il ajoute que leur initiative a reçu l'adhésion des anciens membres de l'AIS. Par ailleurs, il fait remarquer que le discours du GSPC a changé depuis l'annonce de son allégeance à El-Qaïda. “C'est la copie conforme de ce qui se dit en Irak et ailleurs. Les idées répandues par El-Qaïda sont reprises ici. Même les attentats commis ont été copiés. Regardez l'attaque contre le siège de l'ONU. Qui y aurait pensé ? Personne. C'est une imitation aveugle des actions d'El-Qaïda.” Pour lui, l'initiative prise par les anciens dirigeants du GSPC découle d'une conviction. “C'est notre devoir de convaincre ceux qui sont restés au maquis. Le fait que nous soyons au sein de la société, que nous nous déplacions en toute liberté est en soi une preuve palpable pour ceux qui hésitent à descendre.”Abou Zakaria, lui, se montre plus optimiste : “Si la prise en charge sociale, mais aussi administrative et juridique des repentis est effective, dans deux ans, il ne restera plus personne dans les maquis.” Et de plaider pour l'amnistie générale qui, selon lui, permettra de tourner définitivement la page du terrorisme. Pour l'ancien responsable de la communication du GSPC, “la contribution des ulémas reste indispensable pour s'attaquer aux idées extrémistes, en prenant compte de la mentalité des gens du maquis”. Omar Abdelbar parle de l'état d'esprit des éléments armés. “Ils sont sûrs qu'ils ne pourront jamais avoir la force de frappe du milieu des années 1990. Ils sont en conflit avec eux-mêmes. Les idées s'entremêlent dans leur tête. Ils se disent qu'ils ont fait ce qu'il fallait faire et qu'ils n'attendent que la mort.”Abou Zakaria l'interrompt : “Qu'ont-ils fait ? Ils font du mal. Ils abandonnent leurs familles et leurs enfants et vivent au milieu des sangliers.” A. B.