C'est au Centre culturel algérien de Paris que l'année Guermaz a été officiellement lancée mardi dernier en présence d'un public assez nombreux et celle, inattendue, de Sid-Ahmed Ghozali, l'ancien de Premier ministre algérien. Les représentants de l'ambassade d'Algérie et du Consulat général, pourtant invités, ont brillé par leur absence. L'événement consistait en une sorte de mini-colloque animé par Pierre Rey, président du cercle des amis de Guermaz, Mme Malika Bouabdellah, ancienne conservatrice du Mussé des beaux-arts d'Alger, Roger Dadoun, philosophe et écrivain d'art, Hamid Skif, journaliste et auteur d'une biographie en cours de réalisation du grand peintre oublié. Intervenant brièvement en ouverture, Yasmina Khadra, directeur du CCA, a d'emblée avoué franchement : “J'ignorais moi-même l'existence de ce grand artiste.” Il promettra toutefois de se réconcilier “avec cet immense talent” grâce à un effort particulier pour rassembler le maximum d'œuvres pour une rétrospective “digne de sa générosité artistique”. Cette rétrospective est annoncée pour la rentrée prochaine puisque l'exposition du jour, réunissant une quinzaine d'œuvres d'Abdelkader Guermaz n'a duré qu'une seule soirée et n'aura profité qu'à ceux qui ont eu la brillante idée d'assister à cet hommage, point de départ de manifestations diverses à venir, aussi bien en France, en Allemagne qu'en Algérie. Dans sa communication, Pierre Rey s'est étalé sur une longue lecture des tableaux de Guermaz illustrée par une projection sur grand écran. Le grand trait de la biographie, “discret, secret, voire énigmatique” va souvent revenir dans les discours des intervenants et sera poussé à l'extrême par Hamid Skif, qui évoquera “l'artisan de l'isolement dans lequel il a vécu, qu'il a lui-même construit et dont il a été victime”. C'est autour ensuite de Mme Bouabdellah, le pied dans le plâtre, de donner une autre lecture, plus académique, de l'œuvre de Guermaz. Elle déplorera l'insuffisance des données biographiques sur l'artiste, insuffisance qui va entraver une étude plus approfondie qui expliqueraient les différentes périodes de la peinture de Guermaz et sa décision de partir en France en 1961. Elle a également tenté de lier l'œuvre à l'artiste. Or, Abdelkader Guermaz voulait se défaire de tout ce qui est matériel pour prétendre à l'accès au spirituel le plus dénudé. Mme Bouabdellah va dénoncer le laxisme des responsables des culturels algériens ainsi que leur indifférence : “À la mort de l'artiste, l'inventaire de son atelier n'a pas été fait ! Que faisait l'attaché culturel de l'ambassade d'Algérie pendant ce temps ?” Estimant l'œuvre de Guermaz à environ 450 tableaux, elle va s'interroger sur les lieux où ils ont atterri… De son côté, Roger Dadoun qui a déclaré, avant d'entamer sa communication, “nous sommes venus Guermaz, je ne vais donc pas vous infliger un long discours”. Pourtant, il dispensera une critique philosophique, pas toujours claire mais assez intéressante dans sa globalité. “Sobre, sec, secret, sibyllin, Guermaz ne pouvait se dire être artiste, il était art lui-même”, conclura-t-il. Appelé à clôturer l'hommage, Hamid Skif ne s'est pas attardé mais il a toutefois révélé de dures vérités : “En 1987, j'ai sollicité un haut fonctionnaire du ministère de la Culture pour une action en faveur de Guermaz ; celui-ci m'a donné cette réponse bête et méchante : il n'avait qu'à ne pas partir !” Hamid Skif ajoutera : “Je lance un appel aux autorités algériennes pour qu'elles prennent la mesure du désastre et engagent une campagne d'acquisition des œuvres de Guermaz.” En effet, l'Algérie n'a en sa possession que 11 tableaux d'Abdelkader Guermaz, y compris les 4 qui sont au Centre culturel algérien de Paris. Notons par ailleurs que l'année Guermaz débordera jusqu'en 2010 et une série d'expositions sera organisée en Algérie. A. Y.