Ce témoignage d'un toxicomane constantinois a été fait lors d'une journée d'étude sur la toxicomanie organisée récemment dans la ville des Ponts et où plusieurs thèmes ont été abordés par les spécialistes. “À 16 ans, je sniffais de la colle à rustine, de l'eau écarlate, bref toutes sortes de solvants et d'alcool. À 18 ans, je consommais déjà du cannabis. À 23, j'étais accro à l'héroïne, à la coke”, nous a précisé Dris d'une voix qui tremblait. En effet, Dris, un jeune Algérien, âgé de 37 ans, est toxicomane depuis 15 ans. Pour Dris, tout a commencé à basculer en 1988, quand son père, qui travaillait en France, est rentré définitivement au pays. Il était en troisième années secondaire, soit l'année du bac. “Mon père s'est mis à me tabasser pour une raison ou même sans, me privant de mon argent de poche, j'ai eu une adolescence très difficile”, raconte Dris. Quand je finissais mes cours, à 17h, j'étais obligé de vendre les cigarettes dans le quartier de Bab El-Kantara pour subvenir à mes besoins. Je restais jusqu'à une heure tardive de la nuit. “Mon père ne me disait rien, kane yadrab nah, pourvu que je ne lui demande pas de l'argent”, précise Dris. C'est dans la pénombre de ce quartier populaire que Dris fera sa première rencontre avec les dealers de drogue qui écument les lieux. Commencera aussi son voyage sur la route de la décadence : “Ce furent de petites doses prises chaque fois que mes moyens me le permettaient”, raconte Dris. Dans sa voix, pas de haine, juste une histoire douloureuse à raconter. Selon lui, son père a gâché deux vies en même temps. “La sienne et la mienne”, lance-t-il avant de continuer à vider son sac à douleur et horreur. “Dans toute mon enfance et adolescence, j'ai été confronté à des situations stressantes et je n'ai trouvé que la drogue pour fuir et les surpasser. Pendant 15 ans, ma vie n'était centrée que sur la drogue. Mon premier contact avec le cannabis, plus tard, en 1995, a coïncidé avec la mort de mon frère, assassiné par des terroristes en ma présence.” Après cette date, Dris est devenu toxicomane qui consomme tous les types de drogue. Il s'est retiré à l'ouest du pays, comme pour se consumer loin du regard de ceux qui le connaissent : “J'ai été à Oran, à Tlemcen et dans d'autres villes.” “Un jour, j'ai rencontré un psychologue, un ami de la famille, qui m'a convaincu qu'il faut absolument que j'apprenne à avoir peur quitte à laisser ma vie. Son approche m'a marqué. C'était en 2002. Depuis, je me bats pour faire des progrès avec l'aide des spécialistes. Ma mère est devenue cardiaque à cause de moi, cela me fait mal au cœur.” Arrivé à ce stade de son récit, deux larmes jaillissent des yeux de Dris. Un sanglot retenu ne lui permettra pas d'aller plus loin dans son témoignage. Ce témoignage d'un toxicomane constantinois a été fait lors d'une journée d'étude sur la toxicomanie organisée récemment dans la ville des Ponts et où plusieurs thèmes ont été abordés par les spécialistes. La stratégie de notre pays en matière de lutte contre la drogue, les jeunes et la drogue et la prise en charge des toxicomanes sont autant de chapitres développés par les spécialistes. Les participants à cette rencontre ont insisté sur la nécessité du renforcement des structures de prise en charge des toxicomanes. “L'ouverture des 15 centres de désintoxication et 53 centres intermédiaires, connaît beaucoup de retard”, nous ont précisé les représentants des associations, présents à cette journée. Notons que pas moins de 3940 toxicomanes ont été pris en charge, en 2007, au niveau du centre de désintoxication de Blida, le seul centre qui existe sur le territoire national. Betina Souheila