Les plaidoiries des avocats hier ont marqué la dernière phase des auditions qui ont débuté en mars 2008. Les auditions sur l'extradition de Abdelmoumène Khelifa vers l'Algérie sont entrées dans leur dernière phase hier. Les avocats de la défense et de la partie civile se sont succédé durant l'audience tenue au tribunal de Westminster, à Londres, pour lire le contenu de leurs plaidoiries respectives. Me Ben Branden, défenseur de l'ex-milliardaire est intervenu le premier. Il a fondé son exposé sur quatre arguments de nature à dissuader le juge Timothy Workman de renvoyer Khelifa devant la justice de son pays. Le premier comporte un déni total des accusations d'escroquerie ciblant son client. Selon l'avocat, l'existence de telles charges s'explique uniquement par le désir du gouvernement algérien de punir Khelifa pour ses opinions politiques et de le neutraliser compte tenu de la menace qu'il représentait pour le président Bouteflika, en qualité de rival lors de l'élection de 2004. Pour illustrer l'hostilité que le chef de l'Etat à l'égard de l'ex-golden boy, Me Ben Branden a rapporté des propos qu'il aurait tenus à Jacques Straw (ex-secrétaire d'Etat au Foreign Office lors d'un déplacement à Alger en 2006) et où il aurait décrit Khelifa comme “le symbole du diable”. Devant le tribunal, le défenseur a dressé un portrait très flatteur du patron déchu, le présentant tour à tour comme le fils d'un responsable de la Révolution, un homme d'affaires honnête — qui a bâti sa fortune sur des fonds propres —, et un entrepreneur à succès, aussi bien au sein de l'élite politique et militaire qu'auprès de la population, des jeunes notamment. Pour Me Ben Branden, la manipulation de la justice dans l'affaire Khalifa doit définitivement convaincre le juge de ne pas signer l'ordre de son extradition. Le déroulement et le verdict du procès d'El Khalifa Bank, à la cour criminelle de Blida en 2007, constituent à ses yeux, l'illustration d'une justice aux ordres. À cet égard, il estime qu'il y a peu de chances que son client soit jugé équitablement après son extradition. Pis, il a prévenu le tribunal des risques de mauvais traitement et de liquidation physique qu'il pourrait encourir. Sur cette question, Me Ben Branden n'accorde aucune foi aux assurances de l'Etat algérien quant à l'organisation d'un progrès impartial et à la protection des droits de Khelifa en tant que prévenu. Même la caution des autorités britanniques ne lui inspire guère plus de confiance. Il y a une semaine, un haut fonctionnaire du Foreign Office, qui supervise les opérations d'extradition des suspects terroristes vers l'Algérie, avait confirmé la crédibilité des garanties présentées par l'Algérie. Pour lever les derniers soupçons sur la question, Me Julian Knowles, avocat de la partie civile, a rappelé au cours de sa plaidoirie un arrêt de la Haute cour britannique en février dernier, confirmant la décision d'extradition visant quatre islamistes algériens qui avaient fait appel, arguant des risques de maltraitance dont ils pourraient faire l'objet, après leur retour en Algérie. Pour Me Knowles, les allégations de torture et de meurtre font partie de la stratégie de défense de Khelifa, pour empêcher son transfert. De même, son insistance à récuser la véracité des documents contenus dans le dossier d'accusation, s'inscrit dans une logique similaire. Cependant, pour Me Knowles, la culpabilité de l'ancien milliardaire ne fait pas l'ombre d'un doute. Il a rappelé devant le tribunal que l'affaire Khalifa et le plus grand scandale financier que l'Algérie ait connu. Il a indiqué que les investigations suivent toujours leur cours et que des personnalités importantes font l'objet d'une instruction au niveau de la Cour suprême. À l'issue des plaidoiries des avocats, le juge Workman a fixé la date de la prochaine audience pour le 15 juillet prochain. Durant cette séance, l'ancien milliardaire sera définitivement fixé sur son sort. Après un peu plus d'une année d'auditions, le magistrat fera connaître son verdict et décidera si oui ou non Khelifa doit être renvoyé en Algérie. S. L.-K.