Estimant qu'après 17 ans de négociations, depuis le cessez-le-feu en 1991, sans résultats car le Maroc n'a pas la volonté nécessaire d'avancer, le Premier ministre de la RASD avertit qu'en cas d'échec du cinquième round des pourparlers de Manhasset, le Front Polisario n'aura d'autre choix que de reprendre les armes sous la pression des délégués du parti, lassés par le statu quo. “La direction du Front Polisario est très gênée par cette situation d'enlisement dans laquelle se trouve le conflit sahraoui. Elle veut passer à une autre étape et si le cinquième round de négociations échoue, nous n'aurons d'autre alternative que la reprise de la guerre”, a déclaré le chef du gouvernement sahraoui dans un entretien accordé à l'agence de presse espagnole EFE. En effet, Abdelkader Taleb Omar a tout simplement mis en garde Rabat contre un échec du cinquième round de négociations avec le Maroc, sous l'égide de l'ONU à Manhasset, près de New York, parce que, dit-il, le Front Polisario “n'aura d'autre alternative que reprendre les armes”. Il fait remarquer que “Le Maroc a travaillé beaucoup sur le facteur temps : il pensait que les Sahraouis allaient se décourager, que le Front Polisario allait se décomposer, mais il n'a récolté, au contraire, que des positions plus radicales et plus dures que celles attendues”. Le haut responsable de la République arabe sahraoui démocratique (RASD) rappelle, en ce sens, que lors du dernier congrès du Front Polisario, tenu en décembre 2007, de nombreux délégués ont exprimé leur déception à l'égard de la médiation des Nations unies qui “ne sont pas parvenues à organiser le référendum d'autodétermination du peuple sahraoui pour lequel elles s'étaient engagées à tenir en 1992”. Selon lui, la direction du Front Polisario fait face à une pression de “plus en plus grande” de la part du peuple sahraoui, particulièrement les jeunes, qui “ne supporte plus l'enlisement de la situation et exige le retour à la guerre”. Il assène également : “17 ans sont passés déjà et pour d'aucuns, cela est plus que suffisant pour conclure que le Maroc n'a pas la volonté nécessaire d'avancer et que le Conseil de sécurité ne parvient non plus à imposer ses résolutions et obliger ce pays à les respecter.” Par ailleurs, le douzième congrès du Front Polisario avait donné mandat à la direction sahraouie d'établir une évaluation objective des négociations sous l'égide de l'ONU dans un délai maximum de trois ans. Depuis cette date, “une année et demie sont passées déjà. S'il y a des avancées, nous privilégions la voie pacifique, mais si nous parvenons à la conclusion que les choses n'avancent pas, nous devons passer à la phase des préparatifs militaires afin de reprendre les armes, car nous sommes prêts à tout sauf à la reddition ou accepter le fait accompli du Maroc”, met en garde Abdelkader Taleb Omar. Ce dernier souligne : “La direction a de plus en plus de problèmes pour contenir la population sahraouie et il y a de grands risques, au cas où il n'y a pas de progrès, de nous voir contraints à opter pour la guerre pour laquelle nous sommes préparés.” Malgré la longue attente pour que justice lui soit rendue et ses dures conditions de vie, le peuple sahraoui est déterminé “plus que jamais” à lutter pour son droit à l'autodétermination et à l'indépendance, contrairement aux prévisions du Maroc, assure le chef du gouvernement sahraoui à l'agence de presse ibérique. Il ne rate pas pour autant l'occasion de critiquer la position de la France qui a empêché la création d'un mécanisme de surveillance des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés, dans la dernière résolution du Conseil de sécurité. “Il est très préoccupant qu'un pays qui se dit défenseur de la liberté et des droits de l'homme ne condamne pas la répression et les crimes du Maroc au Sahara occidental”, note-t-il, tout en estimant que ce mécanisme aurait représenté une avancée pour établir la confiance en prévision du cinquième round de négociations, dont la date reste encore à déterminer. Merzak Tigrine