Pour la première fois, des femmes font leur entrée au Parlement koweïtien, le richissime petit émirat du Golfe aussi conservateur que son voisin d'Arabie saoudite. Il s'agit d'une victoire retentissante pour les femmes dans les institutions, le Parlement notamment était jusqu'ici la chasse gardée des hommes. Les Koweïtiennes avaient obtenu le droit de vote et la possibilité de se présenter aux élections en 2005, mais aucune n'avait réussi à se faire élire lors des deux derniers scrutins. Sur les 16 candidates, 4 vont légiférer : la chiite Massouma al-Moubarak, première femme à devenir ministre, Aseel al-Awadhi, professeur de philosophie, Rola Dashti, militante pour les droits des femmes, et Salwa al-Jassar, professeur d'éducation à l'université. C'est un précédent dans la région où il faut s'attendre à des effets. Autre enseignement de ce scrutin, le recul des fondamentalistes musulmans qui ont perdu 8 sièges et ne se contenteront plus que de 16 sièges. Le résultat est en soi hautement symbolique lorsqu'on sait qu'il y a peu, les fondamentalistes menaçaient ouvertement l'émirat. Mais le Koweït n'est pas pour autant sorti de la crise. C'est la deuxième fois en une année qu'aura été élu le Parlement, après la dissolution de l'assemblée par l'émir en mars, à la suite d'une querelle entre le gouvernement, contrôlé par la famille régnante des Al-Sabah et les députés. La situation n'a pas changé et ce ne sont ni les 4 femmes élues encore moins le recul des islamistes qui vont bouleverser l'échiquier. D'abords, comme les pays du Golfe, le Koweït souffre de représentativité politique. Le pays, qui compte 3,5 millions d'habitants, dont 2,3 millions de travailleurs étrangers, n'a pas de partis politiques officiellement reconnus. Les candidats sont, soit indépendants, soit représentants de leur tribu, soit proche de la famille régnante. Malgré cette règle, les parlementaires arrivent in fine à se transformer en grain de sables, d'où ce bras de fer ces dernières années opposant des députés au gouvernement, nommé par la famille royale et dont le chef est toujours issu. Ces affrontements ont provoqué des crises politiques ayant débouché sur trois élections et cinq gouvernements en trois ans ! Le Koweït qui se présente comme démocratique n'en respecte que la forme comme ses pairs arabes. Et il ne faut pas croire que les parlementaires sont des exemples de démocratie. Loin s'en faut, c'est le Parlement qui, depuis des dizaines d'années, s'oppose à la modernisation de l'émirat en rejetant, par exemple, l'instauration d'un impôt sur le revenu ou encore la condition de la femme. Les députés de la précédente chambre avaient même fini par avoir la tête de la seule femme ministre dans la région, qui revient cette fois dans le perchoir. L'espoir de voir le pays sortir d'une crise chronique est mince. À moins d'une profonde refonte du système politique. Les disputes entre le législatif et l'exécutif ne vont pas cesser avec le nouveau scrutin. La famille princière n'est pas près de céder de l'espace, bien qu'elle se targue d'avoir été la première monarchie arabe du Golfe à opter pour le système parlementaire et à se doter dès 1962 d'une Constitution. Mais, depuis, le Parlement a été dissous ou suspendu six fois. Le résultat est que les Koweïtiens ont eux aussi fini par se lasser de cette démocratie à la koweïtienne. Les hommes intéressés par le perchoir revendiquent de leur côté un vrai pouvoir de contrôle sur le gouvernement. C'est en fait la problématique de tous les régimes arabe où le Parlement n'a pas son mot à dire dans la formation de l'exécutif et où le gouvernement ne fait que solliciter des votes de confiance des députés.