L'émir du Koweït, cheikh Jaber al Ahmad al Sabah, décédé hier à l'âge de 77 ans, est remplacé par un autre septuagénaire de la dynastie, cheikh Saâd al Abdallah al Salem al Sabah, prince héritier à la santé déclinante depuis une opération au côlon en 1997. Cheikh Jaber, qui dirigeait ce petit pays riche en pétrole depuis 1978, était malade depuis qu'il avait été victime d'une hémorragie cérébrale en septembre 2001. C'est lui qui a accepté que le Koweït devienne une pièce stratégique dans le puzzle américain dans la région. Jaber al Ahmed avait autorisé le président des Etats-Unis à transiter par son pays pour lancer l'invasion de l'Irak le 20 mars 2003. Le Pentagone utilisera le pays comme une véritable base arrière en matière notamment de logistique, le centre de coordination des opérations ayant été basé au Qatar. Le Koweït a conclu depuis la guerre du Golfe de 1991 des accords de défense avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Des rumeurs laissent penser que son successeur pourrait renoncer au trône en raison de ses problèmes de santé. Mais, apparemment, l'héritier devrait rester au pouvoir d'autant que lui aussi est un proche de Washington avant l'intervention américaine pour chasser du Koweït les troupes de Saddam Hussein en 1991. Sabah al Ahmad al Sabah, Premier ministre depuis 2003, piaffe d'impatience pour accéder au fauteuil. C'est, effectivement, l'homme fort du richissime émirat. Agé de 76 ans, c'est un demi-frère de l'émir défunt et il a tissé la réputation d'être un “réformiste”, à la fois sur les plans politique et économique. Cheikh Jaber restera pour beaucoup de Koweïtiens “le père de la nation”. Il était né en 1936, avant que le Koweït ne fasse fortune grâce à son pétrole. En mai 1985, il échappe avec de simples égratignures à un attentat à la voiture piégée fomenté par des militants chiites ulcérés par le soutien apporté par le Koweït à l'Irak dans sa guerre contre l'Iran de l'ayatollah Khomeiny. Monarchie héréditaire, le Koweït est tout de même plus ouvert que son voisin, l'Arabie Saoudite. Les Koweïtiennes ont obtenu le 16 mai 2004 le droit de vote et celui de se présenter à des élections, et la nouvelle Constitution garantit l'égalité entre les sexes. Les partis politiques sont interdits, mais plusieurs mouvements politiques existent de facto. En janvier, des salafistes ont même créé le premier parti politique dans les pays arabes du Golfe : Oumma, qui n'est pas reconnu mais compte des sympathisants au Parlement. L'émir du Koweït cheikh Jaber est le troisième chef d'Etat d'une monarchie pétrolière du Golfe à décéder en moins de 15 mois, après les souverains émirati et saoudien. D. Bouatta