Malgré la confirmation de la bonne tenue des cours du brut qui passent le cap des 60 dollars le baril à Londres et les perspectives d'une récolte exceptionnelle de céréales, des nuages s'amoncellent à l'horizon. En vérité, ils étaient là depuis longtemps mais la transparence médiocre de l'information et de la communication économiques en avait brouillé la visibilité. La dernière sortie du ministre du Commerce et celle du FCE lors de la présentation de ses trois études témoignent de ces inquiétudes sérieuses et partagées concernant les perspectives économiques à court et moyen terme. Ainsi, il apparaît à présent que l'économie algérienne devra résoudre de “nouveaux” problèmes. Je les regrouperai en deux catégories : ceux qui concernent les relations économiques de l'Algérie avec le reste du monde et ceux d'ordre interne qui questionnent l'Etat mais aussi la société. Pour ceux de la première catégorie, ils sont assurément d'ordre stratégique. Pour la première fois, loin des discours euphorisants et même soporifiques servis régulièrement sur une adhésion “prochaine” à l'OMC, le ministre du Commerce a mis le doigt sur l'obstacle principal, celui d'un ajustement du prix domestique du gaz sur le prix international (lequel ? Il y en au moins trois). Il a rappelé la position de l'Algérie qui “n'est pas près de céder sur la question récurrente du prix du gaz”. Mais il y a plus grave, l'UE, pour ce qui la concerne et de façon unilatérale, a déjà décidé pour nous. Elle a instauré une taxe supplémentaire de 13% pour les engrais algériens entrant sur son marché. Le ministre du Commerce nous apprend qu'en 2007, l'Algérie avait demandé à l'UE “la suppression d'une taxe anti-dumping imposée par les pays européens sur les engrais fabriqués par l'entreprise algérienne Fertial, sous prétexte que le prix du gaz utilisé dans le processus de fabrication de ces engrais était subventionné”. Cela n'aurait pas dû nous surprendre car ce problème était déjà apparu dix ans plus tôt, dans les années 1997 et 98, lorsque le groupe algérien privé Fertalge avait mis sur le marché de l'UE des engrais liquides produits à partir d'Arzew. L'UE avait alors initié une procédure officielle à son encontre pour “distorsion aux règles de la concurrence”. La Sonatrach et ses associés, qui lancent un important programme de développement aval, seraient alors bien avisés, s'ils ne l'ont déjà fait, d'évaluer ces barrières à l'entrée de leurs produits pétrochimiques, métallurgiques et de leurs engrais en Europe. Dans ces conditions, j'observe que l'on est bien loin de remplir les conditions pour la signature par l'Algérie du partenariat stratégique dans le domaine de l'énergie souhaité par l'UE. La deuxième série de questions est d'ordre interne. Elle est relative à la mauvaise organisation de nos marchés et de nos entreprises mais aussi à leur manque de transparence. Le FCE s'est inquiété lors de la présentation de ses trois études sur le dysfonctionnement des marchés et le poids de l'informel de “la part prise par le marché informel dans la satisfaction de la demande et celle accaparée par les importations dans l'offre sur ce marché” tout en soulignant que “cette évolution n'est pas imputable à la raison évoquée habituellement, à savoir le manque de compétitivité de nos entreprises et de nos produits”. Autant l'analyse est pertinente, sous réserve néanmoins de pouvoir mesurer ce qui par définition ne peut l'être, car non observable au sens économique, autant absoudre toutes les entreprises privées formelles de toute part de responsabilité est excessif. Il n'y a qu'à rappeler, par exemple, les propos du ministre du Commerce, signalant que 60% des entreprises privées n'ont pas encore déposé leurs comptes sociaux au Centre national du registre du commerce (CNRC) comme les y obligent la loi. En vérité, la responsabilité dans le manque de transparence et dans la désorganisation actuelle des marchés est partagée. Mais les pouvoirs publics — avec les réformes et les instruments à mettre en place — et les acteurs du marché, par le biais de leurs organisations professionnelles, peuvent liquider ces obstacles qui contrecarrent de façon majeure la diversification de l'économie. Les résultats obtenus dans la maîtrise de l'inflation et la tendance à la convergence entre le marché des changes “parallèle” et officiel en témoignent. C'est pourquoi la transparence est utile car, comme pour les mathématiques, un problème économique bien posé est à moitié résolu. M. M.