La famille, avec tous ses interdits, ses rapports de domination, ses violences physiques et symboliques, reste encore un espace social que les jeunes tentent de suivre et de reproduire pour la majorité d'entre eux (filles et garçons). Les jeunes de toutes conditions sociales s'inscrivent nettement dans une logique de rupture impossible avec la famille, avec en appoint l'éternel attachement à la maman, noyau dur de la famille. Pour preuve, les Algériens fêtent depuis quelques années “la fête des mères” qui sera célébrée le 31 de ce mois. Selon une enquête menée par le Groupe de chercheurs en anthropologie sociale (Gras) de le faculté des sciences sociales d'Oran, la famille n'est certes pas perçue par les jeunes comme un espace relationnel permettant une autonomie forte de ses membres. Mais “on est toujours en présence, et cela de façon dominante, d'une intériorisation des rapports d'autorité à l'égard du père ou du grand frère et souvent très affectifs vis-à-vis de la mère qui assume la tâche domestique invisible et peu reconnue, captant les rôles sociaux importants en l'absence du père, dans l'espace familial, particulièrement dans les milieux sociaux modestes”. Il est souligné dans cette étude que les récits de vie recueillis auprès des jeunes ne montrent pas la prégnance du conflit de génération et que, plus précisément, les jeunes montrent que l'ordre patriarcal n'a pas disparu, qu'il continue de se reproduire malgré quelques fissures sans gravité. La famille, avec tous ses interdits, ses rapports de domination, ses violences physiques et symboliques, reste encore un espace social que les jeunes tentent de suivre et de reproduire pour la majorité d'entre eux (filles et garçons). “Les garçons restent attachés aux notions de virilité, d'autorité, d'honneur à préserver, de honte et de culpabilisation, particulièrement pour ceux qui sont sans travail et sans ressources”, selon le rapport. Le souhait des filles “est indéniablement la reproduction biologique et sociale de la famille”. La très forte division sexuelle de l'espace et les inégalités profondes entre les rôles masculin et féminin sont “naturalisées” et donc profondément “respectées”, expliquent les chercheurs qui ont mené l'enquête. Indéniablement, on peut relever le rôle envahissant et décisif de la mère qui est à la fois la “thérapeute” privilégiée des jeunes, la confidente, celle avec qui il est possible d'instaurer une relation plus intime, à contrario du père, dont le contact semble toujours plus modeste. Tout semble passer par la mère, quand il s'agit, par exemple, de lui demander de l'argent de poche et d'arracher des autorisations de sortie pour ses filles. Selon les chercheurs du Gras, “la rupture impossible avec la famille est illustrée aussi par la rupture des jeunes, dans le cas d'une rentrée d'argent importante de partager leurs ressources avec les parents, et plus précisément la mère à qui l'on achètera des bijoux et de beaux habits, une maison, où l'on proposera une offre de départ à la Mecque”. Il est noté aussi que la survalorisation affective et sociale du statut de la mère n'est pas sans liens avec l'effacement, si la mère acquiert une telle importance dans la société, c'est peut-être une forme sociale de compensation face aux mille et une épreuves endurées dans son statut de femme. “Est-il étonnant que la mère soit parfois contre la femme de son fils ?”, selon la conclusion du rapport