Dans sa communication intitulée “La violence des mots des jeunes pour dire la sexualité”, M. Abdelkrim Haouari, chercheur au Gras et à l'Andrs, rapportera les mots qui sont utilisés par des jeunes. “Hadhou swalah” (ces choses- là), “je l'ai cassée”, “cuire et manger”, “je l'ai fait tomber” sont là quelques expressions pour parler de sexualité. Tabou dans l'espace privé et face à “l'innommable” de la sexualité, les jeunes mobilisent leur imaginaire, inventent et réinventent au quotidien dans les espaces publics des mots, des expressions, des métaphores, des codes propres à eux pour dire avec leur langage à eux leur sexualité. Il évoquera également l'existence d'une pluralité des formes de sexualité et une diversité de pratiques sexuelles chez les jeunes. “Nous avons dégagé une typologie d'une sexualité à quatre visages.” Il s'agit d'une sexualité interdite hors mariage. Elle est le fait de jeunes filles et de garçons de conditions sociales différentes. “On est ici en présence d'une sacralisation des normes religieuses et sociales, mais aussi d'un rapport de dépendance à l'égard de la famille dont il importe de reproduire à l'identique les aspects valorisant l'honneur et le respect par la seule modalité sociale qui légitime et reconnaît les rapports sexuels : le mariage”, soulignera M. Haouari. La deuxième catégorie est la sexualité honteuse. Elle est de l'ordre de l'ambivalence produisant de la honte et de la culpabilisation parmi les jeunes. Autrement dit, la norme sociale et religieuse semble “poursuivre” le jeune qui n'hésite pas à indiquer son “mal-être” juste après. “J'ai des remords, je ne me sens pas bien.” “cet "entre d'eux" douloureux met en scène, d'un côté le vide social du jeune (l'ennui, le désœuvrement) aboutissant à avoir des rapports sexuels mal assumés et de l'autre, une focalisation sur la norme sociale et religieuse”, expliquera l'interlocuteur. L'autre forme de sexualité est celle dite débridée ou errante. Elle est l'antithèse de toute forme de fidélité ou d'attachement à la personne. Il s'agit donc, particulièrement pour le jeune garçon, de s'inscrire dans une forme de sexualité multiple et fluctuante, selon les moments et les partenaires rencontrés, sans souci de durabilité dans les rapports. “Il s'agit, pour reprendre une expression d'un jeune, d'investir les femmes du dehors étiquetées comme infidèles avec qu'il est possible de satisfaire ses besoins sexuels, sans considération de la personne”, est-il expliqué par le chercheur. Quant à la dernière catégorie, il s'agit d'une sexualité assumée. “Ici, l'échange sexuel tente d'articuler intimité et satisfaction d'un désir sexuel qui ne s'identifie pas à l'acte de pénétration, mais peut s'élaborer à partir d'attouchements, de caresses et de baisers, dans le respect mutuel entre les deux partenaires. La sexualité est assumée parce qu'elle s'inscrit dans une relation corporelle intime et régulière. Elle doit en principe se conclure par le mariage”, conclut M. Abdelkrim Haouari.