Trois semaines après avoir exigé à Alger que “la France doit faire acte de repentance”, Ziari soutient, à Paris, que “la repentance n'a jamais, depuis l'Indépendance, constitué un obstacle aux relations algéro-françaises”. À la bonne heure ! Mais en matière de relations internationales, il n'y a pas de requête facultative, du genre : si la France veut se repentir, cela arrangera nos relations, mais si elle ne le veut pas, ce ne sera pas “un obstacle aux relations algéro-françaises”, comme l'exprime le président de notre Assemblée. Passe qu'on ne sache pas ce qu'on veut en interne, mais avec nos partenaires étrangers, particulièrement avec la France, le mieux serait peut-être d'être clair et stable dans ses exigences. Mais seul “ce qui se conçoit bien s'énonce clairement”. C'est vrai que depuis l'Indépendance, la France et l'Algérie ne se sont ni particulièrement sollicitées ni ne se sont fait de gros cadeaux. Il y avait quelque équilibre dans cette diplomatie météorologique et sans prétention. Il n'était pas question de “traité d'amitié”, de “refondation des relations”, de “partenariat d'exception”, de “grandes commissions”, toutes ces formules ampoulées qu'on convoque et qu'on consomme stérilement, l'une après l'autre. Jusqu'en 2000, une diplomatie sans illusion, consciente de la complexité du contentieux colonial, s'en était tenue à des ambitions mesurées en attendant, peut-être, d'avoir les moyens politiques de ses éventuels desseins. Elle a surtout tenu compte de la surenchère locale de ces ambitions politiques qui se légitiment de leur fonction de sentinelles de la mémoire historique. La jeune présidence de la Fondation du 8-Mai-1945 vient d'illustrer cette vigilance patriotique à rebours, en accablant Abdelaziz Ziari de “blasphème” et de “dérapage” et en s'en remettant au président de la République pour imposer au président de l'APN les “explications” qui s'imposent. Pourtant, le président Bouteflika a déclaré avoir pensé à “une voie originale” : n'est-ce pas justement la voie qui servirait à contourner l'exigence de repentance ? Justement, le voyage présidentiel qui, comme un mirage, recule à chaque fois qu'on approche de sa date, sous des prétextes interchangeables, commence à devenir, non plus un moment projeté dans les relations algéro-françaises, mais un objet de spéculations médiatiques, un thème en soi. Tous les déplacements entre les deux rives sont évalués à l'aune de ce qu'ils apportent en termes de données sur cette virtuelle visite. Qu'est-ce qui fait glisser ainsi, d'une saison à l'autre, ce voyage, prévu pour l'hiver, reporté au printemps, puis projeté pour l'automne, si l'on en croit le ministre français des Anciens combattants, et qui n'est pas encore programmé, si l'on en croit le président de l'Assemblée algérienne ? On voit que même le niveau d'information diffère d'une source à l'autre, tant le flou, perlé de sporadiques professions de foi, caractérise la relation bilatérale de ces dix dernières années. Entre crises, réelles ou simulées, les envolées emphatiques sincères ou circonstancielles, bien malin qui pourra décrire ces rapports entre l'Algérie et la France. Mais ce flou de ces rapports, ça sert peut-être à se donner raison quand ça va et quand ça ne va pas. L'enjeu semble plus dans l'usage politique qu'on en fait que dans leur contenu.