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Obama lie son avenir au conflit israélo-palestinien
Il veut effacer les traces du règne de Bush
Publié dans Liberté le 06 - 06 - 2009

C'est une manière de tourner la page des huit longues années de règne de Bush, qui a fait du choc des civilisations une philosophie et un objectif, et dont la vision manichéenne a voulu diviser le monde en axe du bien et axe du mal, sans s'embarrasser de nuances.
Le président Obama a été impressionnant dans sa prestation à l'université du Caire, devant trois milliers d'auditeurs triés sur le volet. C'est, en tout cas, l'avis de tous les observateurs présents, qui ont fait état de l'adhésion unanime de la salle. On peut penser, comme d'aucuns l'ont déjà fait, que le discours a été plus philosophique que politique, c'est-à-dire qu'il n'a pas comporté d'annonces fracassantes. C'est sans doute vrai, mais cela a été aussi un discours pédagogique d'une rare qualité, dans lequel l'orateur a allié clarté, sincérité et fermeté. Visiblement, Obama n'est pas venu au Caire pour annoncer un quelconque plan ou telle ou telle initiative concernant tel ou tel problème. Il est venu d'abord pour proposer au monde musulman un nouveau départ dans ses relations avec les Etats-Unis, sur la base du respect mutuel, du dialogue, de la compréhension et de la coopération. C'est une manière de tourner la page des huit longues années de règne de Bush, qui a fait du choc des civilisations une philosophie et un objectif, et dont la vision manichéenne a voulu diviser le monde en axe du bien et axe du mal, sans s'embarrasser de nuances. Certes le président Obama n'a livré ni projet ni plan concret. Par contre, il a délivré de nombreux messages, dans diverses directions. Le premier est, bien sûr, à l'adresse de la communauté musulmane qu'il a voulu convaincre que l'Amérique a changé mais à qui il a rappelé quelques vérités, comme les violentes tensions entre chiites et sunnites, le déficit démocratique et la condition faite aux femmes. Le second message est destiné, quant à lui, à cette extrême minorité musulmane violente mais puissante, à laquelle il promet une guerre sans merci. Ce qui l'amène naturellement à s'adresser aux Irakiens et aux Afghans pour les rassurer sur les intentions des Etats-Unis qui n'ont, selon lui, aucune velléité d'occupation.
L'Iran est, de son côté, destinataire à la fois d'un message qui confirme la main tendue pour aller vers des relations apaisées et d'un avertissement clair contre toute volonté de développer l'arme nucléaire. Convaincu que la résolution du conflit israélo-palestinien est la clé de la stabilité et de la paix au Moyen-Orient, le président américain a gardé le message le plus motivé, le plus clair et le plus ferme aux dirigeants israéliens et palestiniens. Faisant preuve d'une détermination et d'un engagement personnel inhabituels chez ses prédécesseurs sur ce dossier, il fait pression sur les deux parties avant de souligner la légitimité de la quête d'Israël de son droit à la sécurité, et la légitimité de la revendication des Palestiniens d'un Etat qui leur soit propre. De fait, il a exigé d'Israël de mettre fin à la colonisation, notamment en Cisjordanie et d'accepter et d'œuvrer à la création d'un Etat palestinien.
Il précise, fait assez inhabituel chez les dirigeants américains pour mériter d'être signalé, que les USA restent de grands amis d'Israël et le soutiennent, mais que ce soutien ne saurait être inconditionnel comme par le passé. Aux Palestiniens, particulièrement au mouvement Hamas auquel il s'adresse directement, il demande la reconnaissance de l'Etat d'Israël, tout comme il le demande à l'ensemble des pays arabes. L'autre message, presque subliminal puisque délivré par petites touches, concerne les Américains eux-mêmes.
En réaffirmant sa volonté de fermer le camp de Guantanamo malgré les difficultés que lui oppose le Sénat et en s'engageant personnellement dans le dossier israélo-palestinien sur la base d'une vision et d'une politique équilibrées, il entend affirmer à ses compatriotes qu'il ne cédera pas aux pressions et aux chantages et qu'il mènera sans concession la politique pour laquelle il a été élu. Si les conservateurs républicains dénoncent déjà le discours d'Obama au Caire, auquel ils reprochent de s'être quasiment excusé pour les politiques américaines passées, dans le camp démocrate, on s'inquiète déjà pour l'échéance électorale de 2012, craignant que le président se mette à dos l'électorat juif américain qui vote traditionnellement et majoritairement démocrate. Cet électorat sera pourtant prêt à lui renouveler sa confiance si sa démarche donne des résultats d'ici la fin de son premier mandat. Cela est avant tout une bonne nouvelle pour les Palestiniens, car Barack Obama semble avoir lié son avenir politique au règlement de leur problème avec l'Etat hébreu. Dans tous les cas, très attendu, le discours d'Obama aura été de haute tenue, marquant, spirituel et, si les résultats suivent dans l'avenir, sans doute historique.


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