L'annonce du verdict par le tribunal de Westminster à Londres concernant l'extradition de Abdelmoumène Khelifa vers l'Algérie a été reportée au 25 juin. Le juge Timothy Workman, en charge de l'affaire, s'est octroyé un délai supplémentaire d'une dizaine de jours pour rendre sa décision. N'ayant pas été conduit au tribunal, Khelifa n'a pas pu être informé à temps de cet ajournement. Un problème de connexion par vidéo conférence avec son lieu de détention a empêché le juge de le tenir au courant. Une courte audience sera organisée aujourd'hui pour l'informer de la nouvelle date du verdict. Le magistrat n'a pas révélé les raisons pour lesquelles il a retardé l'annonce de sa décision. Il faut savoir que les auditions portant sur la livraison de l'ancien milliardaire ont débuté le 11 mars 2008, sept mois après le dépôt de la demande le concernant par le gouvernement algérien auprès de son homologue britannique et un peu plus d'un an et demi après la signature de la convention d'extradition entre les deux Etats. D'emblée, le juge Timothy Workman avait admis que l'affaire est complexe. Le magistrat, connu pour avoir tranché des cas d'extradition très sensibles, est à la fois rigoureux et inflexible. Son refus de transférer un chef indépendantiste tchéchène en Russie avait failli lui coûter la vie il y a quelques années. Dans cette affaire, le juge avait forgé sa décision sur les risques de torture et de liquidation qu'encourait le concerné. Pour éviter à leur client d'être renvoyé en Algérie, les avocats de Khelifa ont longuement insisté sur le fait que celui-ci pouvait connaître le même sort. La violation de ses droits et sa sujétion à un procès expéditif et partial sont un des chapitres importants du dossier de la défense. Avant même le début des débats de fond, Me Ben Branden exposait à la presse les trois raisons pour lesquelles le juge n'accepterait jamais de transférer Khelifa en Algérie. Outre les craintes de maltraitance et de jugement arbitraire, l'avocat avait qualifié les accusations d'escroquerie portées contre l'ancien milliardaire de machination politique. Le débat autour de toutes ces questions a commencé après la validation par le magistrat, dans la forme, de la demande d'extradition. Pour la partie algérienne, cette acceptation sonnait comme un premier succès. Sur le fond, Julian Knowles, avocat de la partie civile, s'est employé à convaincre le tribunal de la justesse des faits contenus dans le dossier d'accusation et à démontrer que l'affaire relève uniquement d'un crime économique et ne comporte aucune trace de manipulation politique. Ce que la défense a vigoureusement contredit en mettant le doigt sur ce qui lui a paru comme de graves distorsions. Au cours d'une âpre bataille de preuves, Me Branden avait tenté d'exploiter les moindres failles en relevant notamment la non-conformité des documents traduits de l'arabe à l'anglais, des ratés dans le procès d'El Khalifa Bank — à la cour criminelle de Blida en avril 2007 — et un contenu assez controversé des rapports d'experts sur la faillite de cet établissement. Lorsqu'il a été auditionné en mars dernier, Rafik Khelifa avait enfoncé le clou en affirmant au juge que toutes les charges portées à son encontre sont préfabriquées. L'ancien milliardaire est allé plus loin, niant avoir reçu des mises en garde de la Banque d'Algérie sur la mauvaise gestion de sa banque. Il a qualifié de faux des lettres émanant de cette institution et contenues dans le dossier d'accusation. Appelés à la barre en qualité de témoins de la défense, deux universitaires britanniques, MM. Joffe et Roberts ont appuyé les allégations de l'ancien milliardaire, assurant que M. Bouteflika avait pu voir en lui un adversaire à sa réélection en 2004, à la suite du lancement de K.TV. Sur un autre registre, ces deux spécialistes de l'Algérie avaient émis des réserves sur l'indépendance du système judiciaire en Algérie et sur la possibilité pour Khelifa de bénéficier d'un procès équitable, en cas d'extradition. S'exprimant pour le compte de la partie civile, le professeur Fillali — enseignant à l'université de Constantine — et John Leyden — haut fonctionnaire au Foreign Office chargé de la gestion des extraditions des terroristes en Algérie — avaient, en revanche, soutenu le transfert de l'ex- Golden boy. Selon eux, l'Etat algérien présente toutes les garanties en matière d'indépendance et d'équité du système judiciaire. Il est à rappeler qu'un autre juge britannique a accepté en août 2007 de transférer Khelifa en France, suite à une demande émanant d'un tribunal parisien, et ce, dans le cadre de l'ouverture d'une information judiciaire sur la faillite frauduleuse de certaines filiales du groupe domiciliées en France.