Les ministres arabes des Affaires étrangères se réuniront demain. Au menu de la rencontre, la décortication de l'important discours prononcé le 4 juin dernier par le président américain dans une université du Caire, à la lumière des réalités et des derniers développements. Destiné essentiellement au monde arabe et musulman en vue de jeter de nouvelles bases pour des relations plus apaisées et moins méfiantes avec les Etats-Unis en particulier et l'Occident en général, salué comme un évènement mondial par la quasi-totalité de la presse internationale et de nombreux hommes politiques à travers la planète, les dirigeants arabes se sont montrés plutôt discrets pour la plupart d'entre eux. La rencontre qui réunira demain les ministres des Affaires étrangères sera l'occasion d'en discuter et, pourquoi pas, si un consensus se fait jour, d'en sortir avec une appréciation commune et une réponse solidaire. Au-delà des généralités historiques, philosophiques et civilisationnelles développées avec brio et opportunément par Barack Obama à l'occasion de son discours, le cœur de celui-ci reste le conflit israélo-palestinien qui mine la paix et la stabilité au Moyen-Orient depuis 60 ans, et qui cultive les germes de la méfiance — parfois même de la défiance — entre un Occident qui a pris fait et cause pour l'Etat d'Israël au détriment des droits élémentaires du peuple palestinien, et un Orient cloisonné, de plus en plus rétif, mais sûr de son bon droit. La lecture parfois enthousiaste faite du discours d'Obama immédiatement après qu'il a été prononcé sera sans doute nuancée, voire relativisée, après le discours du Premier ministre israélien, et l'appréciation surprenante qui en a été faite à Washington. Pour rappel, Netanyahou a répondu non à la totalité des demandes de la Maison-Blanche, exception faite de l'idée d'un Etat palestinien, qu'il entoure de conditions draconiennes, tout en exigeant des contreparties inacceptables. Ainsi, l'intransigeance de Benyamin Netanyahou sur la reconnaissance d'Israël en tant qu'Etat juif signifie l'impossibilité de retour des réfugiés palestiniens, mais pose aussi le problème du devenir des 20% de la population arabe israélienne. Or, si les opinions et les dirigeants arabes et palestiniens ont été presque unanimes à considérer que le discours de Netanyahou a sapé les efforts de paix, Barack Obama a parlé d'“un grand pas en avant”, allant au-delà de ses collègues européens qui, eux, ont été moins enthousiastes et ont évoqué “un petit pas”. La position et la riposte qui sortiront de la rencontre de demain, si toutefois les divergences ne l'emportent pas sur l'esprit de corps, comme cela a été trop souvent le cas, pourraient peser de manière significative sur les prochains développements. Israël l'a compris. C'est pourquoi il a dépêché dimanche au Caire son ministre le moins à droite, le travailliste Ehud Barak, chargé du département de la Défense, qui s'est longuement entretenu avec le président égyptien Hosni Moubarak. Il s'agit d'une offensive de charme destinée à rassurer, en vue d'éviter une position arabe à la fois dure et solidaire. Le mini-sommet qui a réuni récemment au Caire les chefs d'Etat algérien, libyen et égyptien pourrait également ne pas être étranger à la rencontre de demain et à ses enjeux. L'Egypte, devenue la plaque tournante de toutes les discussions, négociations et tractations inhérentes au problème israélo-palestinien, s'efforcera sans doute de jouer le difficile rôle de modérateur en proposant une déclaration médiane, qui sauve en quelque sorte l'honneur arabe, sans pour autant décevoir les partenaires occidentaux et, au premier chef, les Etats-Unis. Son intérêt est d'y arriver pour éviter une diabolisation des milieux et des Etats arabes radicaux, et pour ne pas perdre les bénéfices que lui procure sa position d'intermédiaire privilégié.