La joyeuse célébration du succès arraché par Ziani et ses camarades dénote cette immense distance qui sépare les fous de Dieu qui “guerroient” dans les maquis de cette écrasante majorité de jeunes, les fous du foot qui, laminés par la malvie et souvent sans projet de vie ni perspective d'avenir, résistent à leur manière, pacifiquement, comme ceux qui, las des discours et promesses toujours non tenues des gouvernants, tentent carrément l'aventure de la harga. Samedi dernier, lorsque les rues des villes algériennes étaient envahies par la foule à l'issue de la victoire des Verts en terre zambienne, certains en étaient choqués. Non sans quelque raison. Comment pouvait-on festoyer avec autant d'ostentation, alors que 18 gendarmes venaient d'être assassinés sauvagement ? L'explication est, en partie, dans le fait que les Algériens ont désappris l'art de s'émouvoir des carnages terroristes : cela fait presque vingt ans que le terrorisme est dans notre quotidien, pour ne pas dire qu'il est notre quotidien. Le même âge que ces milliers de jeunes qui ont jubilé ce samedi. Comme cela fait plus de vingt ans, aussi, que le foot nous vaut déboires et déceptions, la fête se devait d'être. Car, ne l'oublions pas, le foot est bel et bien la “religion” la mieux partagée dans le monde, n'en déplaise à ceux qui en ont une autre au nom de laquelle ils assassinent et qui ne jubilent que de leurs propres carnages. À chacun sa religion, à chacun sa folie : la joyeuse célébration du succès arraché par Ziani et ses camarades dénote cette immense distance qui sépare les fous de Dieu qui “guerroient” dans les maquis de cette écrasante majorité de jeunes, les fous du foot qui, laminés par la malvie et souvent sans projet de vie ni perspective d'avenir, résistent à leur manière, pacifiquement, comme ceux qui, las des discours et promesses toujours non tenues des gouvernants, tentent carrément l'aventure de la harga. Oui, la victoire des Verts aurait été plus belle et la fête qui s'en est suivie certainement plus opportune sans le massacre de Bordj Bou-Arréridj. Mais la liesse de ce samedi-là ne tuait pas les 18 gendarmes une seconde fois. Bien au contraire, elle signifiait aux auteurs de la tuerie que les Algériens, et notamment les plus jeunes, sont à mille lieues de leurs “hauts faits d'armes” et de ce qui les fait courir. Aussi retentissant que puisse être l'assassinat de 18 gendarmes en Algérie et en pleine “réconciliation nationale”, un match de foot joué à des milliers de kilomètres a suffi à le réduire à la dimension d'un fait divers. C'est un signe…