“J'ai suivi très personnellement le cas de Sophie et les efforts de son père. J'ai demandé dès mon élection que tout soit fait pour qu'un dénouement heureux intervienne et que Jacques Scharbook ait gain de cause” ; ce passage tiré du communiqué de presse de Nicolas Sarkozy, en date du 2 juillet, est à lui seul la preuve irréfutable que l'affaire “Sophie-Amira” Scharbook a débordé du cadre strictement juridique pour devenir une affaire d'Etat. De l'aveu même de Me Benbraham, l'avocate des Belhocine, la famille maternelle de la fillette qui affirme que l'affaire a été politisée aux plus hautes instances de l'Etat, c'est un deal entre les deux présidents qui a engendré beaucoup de dégâts. “Je crois qu'on n'a pas le droit de jouer avec la vie des gens”, dira-t-elle. La petite Sophie a ainsi retrouvé son “présumé” père, mercredi dernier à Marseille. L'enfant était arrivée en France mardi après-midi par un vol en provenance d'Alger, accompagnée par le consul général de France, Francis Heude, à qui les autorités algériennes l'avaient remise le matin même. “Je sais le rôle qu'ont joué les autorités algériennes, et plus particulièrement le président Bouteflika et le ministre de l'Intérieur algérien, M. Yazid Zerhouni, dans l'exécution de la décision rendue par la Cour suprême d'Algérie, qui donnait raison à Jacques Scharbook. Nos démarches en faveur de l'application de cette décision ont été intenses et constantes et je me réjouis de voir aujourd'hui nos efforts couronnés de succès”, peut-on également lire dans le communiqué présidentiel. Des remerciements officiels saupoudrés d'une diplomatie de circonstance en impliquant les autorités algériennes dans le dénouement de l'épineux dossier qui a valu, selon les propres déclarations de Sarkozy, son intervention en personne. Ainsi, il a fallu une nouvelle lettre de Nicolas Sarkozy, mi-juin, au président Bouteflika pour débloquer les choses. Dans ce courrier — le troisième en deux ans —, le chef de l'Etat français soulignait l'importance qu'il attachait à ce dossier “sensible”. Quelques jours après cette correspondance, selon le journal français Le Monde, le ministère algérien des Affaires étrangères avertissait l'ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, que Sophie Scharbook serait remise aux autorités françaises “avant la fin du mois de juin”. Paris ne s'est jamais caché de la tournure politique donnée à l'affaire alors qu'Alger s'est confiné dans un silence embarrassant et embarrassé, mettant aux devants la justice. D'autres lectures voient un parallèle chronologique dans le procès Mami et le dénouement du dossier Scharbook en insistant sur les compromis chers aux deux capitales. Une extrapolation pourtant battue en brèche par l'interpellation du chanteur à sa descente d'avion et son incarcération en attendant le jour de son procès, alors que, selon son proche entourage, il avait reçu des garanties sur sa liberté une fois sur le territoire français. Ce parallèle est également évoqué par Me Benbraham, mais en d'autres termes, puisqu'elle y voit une autre défaite de la justice algérienne devant les demandes de la France. Pour la tante de Amira, ce qui vient de se passer n'est plus ni moins qu'un scandale qui ne dit pas son nom et le ressentiment de la famille n'a d'égal que sa révolte contre ceux qui sont derrière ce transfert. “On la lui a offerte sur un plateau d'argent”, commentera-t-elle avant de dénoncer fermement cette injustice. “Je vais me convertir puisque l'Algérien musulman n'a aucune considération dans ce pays”, criera-t-elle visiblement sous le choc avant d'ajouter qu'“on a vendu en juillet (référence à la date de l'Indépendance) une petite Algérienne”. Me Benbraham va plus loin en affirmant que l'enfant a été séquestrée par l'Etat algérien pendant des mois (elle en a passé trois dans un centre pour enfance à Oran, entre le moment où elle a été retrouvée par la Police algérienne et le moment où elle a été rendue à son père, ndlr), avant de la remettre aux mains des Français. “Nous avons pensé que l'Etat protégeait l'enfant et ses droits parce que jusqu'à maintenant sa filiation n'a pas été définie”, se désolera l'avocate qui ajoute que “c'est un crime d'enlever un enfant qui a vécu depuis sa naissance chez sa grand-mère”. Benekrouf Khadidja, la grand-mère en question, est à l'article de la mort, affirme sa famille, après avoir eu connaissance de la nouvelle. Quant au bien-fondé de la procédure, elle dira qu'“elle est en violation manifeste avec toutes les règles de procédure algérienne et française. L'arrêt de la Cour suprême est clair et stipule que Jacques Scharbook a seulement la garde de la petite et le conflit se passant en Algérie, il devrait être appliqué sur le territoire national”. Malgré ce coup du sort, la famille ne veut pas baisser les bras et Me Benbraham, actuellement en tournée en Europe, veut mobiliser le plus grand nombre de robes noires et soumettre le dossier à la Cour de justice européenne. “Je n'arrêterai pas mon combat, je vais délocaliser la bataille juridique et peut-être que les juges de Sarkozy nous donneront raison”, affirmera-t-elle, l'émotion dans la voix. “Jacques Scharbook n'est pas le père de l'enfant et si après les examens, tel s'avère le cas, nous lui présenterons nos excuses et nous l'indemniserons, mais dans le cas contraire qu'on rende la fille à sa famille et qu'on lui restitue sa véritable filiation.” Quant à la prétendue conversion de Scharbook à la religion musulmane pour justifier son mariage avec la mère de Sophie-Amira, le baptême de la petite au programme veut tout dire, alors que l'identité de son éventuel parrain, Francis Heude, le consul général de France en Algérie, se suffit à lui-même. Rappelons que le 28 juin dernier, le palais de justice d'Oran devait statuer sur la filiation de Sophie. La défense de la famille algérienne s'était appuyée sur deux rapports d'expertise versés au dossier. Surtout celui de “l'expertise d'identification par comparaison de profils génétiques ADN”, établi le 15 mars 2009, par le département d'identification génétique/ADN du Laboratoire central de la Police scientifique et technique de Châteauneuf (Alger) à partir d'un prélèvement buccal sur la petite fille.