Le monde subit une véritable révolution des ressources humaines. L'heure est, en effet, de par le monde, à la réhabilitation de la créativité humaine, scandaleusement négligée… et en particulier dans les pays en développement. Un regard sans complaisance. Un étranger, pour ne pas citer sa nationalité, me disait un jour de manière qui ne laisse pas indifférent et j'en étais sensible… car convaincu qu'il ne m'apprend rien… Il rappelle juste une évidence pour un homme normalement constitué, c'est-à-dire capable de discernement. “Vous savez, nous avons le bonheur de ne pas exporter de pétrole ; plus et mieux, nous exportons nos idées, c'est ça l'avenir du monde.” À bon entendeur, salut, semble-t-il conclure. Alors, “le monde des idées et de l'intelligence” doit-il nous échapper ? Là est la problématique. Non, non et non ! Nous sommes capables d'intelligence. Mais comment ? Seul un profond changement culturel placera l'homme dans son véritable rôle d'acteur, d'éducateur et de créateur de richesse. En effet, un nouveau défi se profile aujourd'hui : il ne suffit pas de bien travailler et maîtriser son destin pour survivre, mais bien plus. Il s'agit d'exceller, car, en l'espace de quelques années, et ce n'est qu'un début, la concurrence entend bien affirmer sa logique implacable de ne laisser nulle place aux sentiments et à l'improvisation. La concurrence exploitera toutes nos faiblesses et nos complexes, surtout ceux de nos hommes, faute d'investissement dans leur sensibilisation, valorisation, motivation et créativité. L'expertise ne se vend ni s'achète. Elle se crée, s'entretient et se transmet intra-muros. Crédule est celui qui croit à son transfert d'expertise moyennant quelque honoraire. Les enjeux de l'expertise sont importants car en dépend toute l'efficacité de l'entreprise. Harrington avertit à juste titre : “Les bonnes entreprises vont mourir, les très bonnes vont survivre, seules les meilleures vont exceller…” En fait, il ne fait pas référence au “hard” mais au “soft”. Et l'homme est justement au centre du soft. Il faut savoir le motiver, le valoriser et le reconnaître comme le seul “créateur de richesse”, donc “méritant et respectable”… “la vraie richesse”. Ainsi, le mot d'ordre est lancé… Place au génie de l'homme, sa créativité et sens de création et à ses capacités d'adaptation au changement… Rien ne peut être considéré comme allant de soi. Dans ce nouvel environnement, “rien ne se donne”, “tout s'arrache”. Pas aux biceps, mais aux neurones. L'entreprise doit penser plus vite, réagir plus intelligemment car ses clients “rêvent plus grand”. Elle ne peut plus se passer impunément des “fins psychologues” et “thérapeutes” pour interpréter ses rêves et les réaliser. Finis les “labels”, les complexes, les arguments fallacieux pourtant acceptés, selon lesquels il y a ceux qui réfléchissent et ceux qui exécutent. On est tous capables de réflexion mais comment aussi ? Seul l'homme peut relever ce défi, et l'enjeu est si important qu'il faut répéter… Seul l'homme qui pense plus vite et plus intelligemment est capable d'anticipation ! Paradoxal… Mais ce sont les entreprises les plus performantes qui continuent d'investir dans l'homme, la formation et le conseil ! Car elles ont compris, à juste titre d'ailleurs, que leur réussite dépend du niveau de compétence et de motivation de leur personnel. Ce constat est très tangible dans les pays développés. Pour preuve, les métiers de consultant et de formateur sont globalement en évolution et s'exportent bien… Et peut-être au détriment du “produit national” jusque-là peu ou pas sollicité dans ces domaines. Signe que les entreprises déjà performantes déploient plus d'efforts d'apprentissage que celles en mal de performance, pour ne pas dire en crise chronique. Elles développent tout naturellement ce qu'il convient d'appeler “le management des compétences ou la logique de l'apprentissage et de la créativité”. Alors, qu'en est-il en Algérie ? Autrement dit, quelle est la place de l'homme du conseil/expertise et de la formation dans la “stratégie” de nos entreprises ? Notre entreprise a-t-elle le réflexe de se faire accompagner pour s'améliorer et faire face au changement ? Car le changement ne peut être géré par l'unique volonté interne de l'entreprise. Des blocages d'ordre culturel et comportemental existent, en plus des limites de compétence et de qualification. Connaissant les difficultés multiples de l'entreprise algérienne, tout observateur averti peut s'attendre à une évolution sans égale des métiers de consultant et de formateur dans un pays où “le management reste confronté à diverses difficultés”. Alors, quel avenir ont ces métiers ? Que doivent faire les pouvoirs publics et les associations professionnelles pour les promouvoir et les contrôler ? Et de quelles associations professionnelles s'agit-il ? Une évidence : pour progresser, une seule alternative : apprendre ! L'entreprise doit apprendre, elle doit comprendre l'importance du capital humain et la nécessité du développement de ses compétences-clés, des savoirs et des savoir-faire qui lui sont nécessaires. Tout simplement, créer les conditions favorables pour que le génie de l'homme puisse s'exprimer. La promotion de la compétence passe nécessairement par l'existence de “bons managers”. Des managers compétents et ouverts qui se mettent toujours en question et en quête des conditions propices à l'épanouissement du personnel et à l'expression de son génie. Des questions-clés sont la préoccupation de ces “bons managers” du genre : dans quelle mesure mon style de management brime les compétences de mes collaborateurs ? Qu'est-ce que je peux faire pour que le potentiel de créativité et de motivation puisse être activé ? Quelle place occupe l'effort et le rendement dans mon style de management ? Ne faut-il pas être surpris par cette obstination de l'entreprise algérienne à vouloir faire des économies sur les compétences de son personnel ? Une ténacité suicidaire quand on considère les difficultés chroniques de son fonctionnement : management défaillant, organisation obsolète, inertie culturelle, logique d'improvisation érigée en règle… L'entreprise est tout simplement malade de sa gestion, de son organisation, de sa culture… Elle doit changer, elle doit réagir en s'adaptant aux règles élémentaires de gestion et d'organisation d'une entreprise moderne. Le mal est si profond qu'elle doit, pour renaître de ses cendres, trouver des experts et des facilitateurs capables de l'accompagner dans sa nécessaire mutation. L'Algérie en possède-t-elle ou est-elle condamnée à “consommer étranger” ? Là n'est pas l'objet du propos d'aujourd'hui. En tout état de cause, “national” ou “étranger”, l'entreprise doit trouver de bons “psychologues, voire de bons thérapeutes” avertis et au fait des réalités de l'entreprise algérienne. Il s'agit d'abord de décomplexer le manager algérien vis à vis du “produit étranger”. Les considérations de mise à niveau matérielle, logistique et technologique suivront facilement. Alors, veut-on une entreprise qui va s'ouvrir à l'extérieur avec son âme et sa richesse, c'est-à-dire ses hommes et femmes, ou uniquement son marché et son fonds de commerce, débarrassée de son essence et de sa mission sociale et économique ? Car, la règle est que nul ne fait de cadeaux. Il faut croire, tant au plan politique que moral, que la seule richesse d'un pays est l'homme et uniquement l'homme. L'histoire de l'humanité en est une preuve vivante : tout peut être rebâti et reconstitué, et en mieux, par le génie de l'homme, sauf l'homme lui-même. Quand un pays le perd, il le perd définitivement… Ford disait à juste titre : “Détruisez mes machines, détruisez mes usines, laissez-moi mes hommes, je recommencerai.” Mais qui doit s'en préoccuper et comment ? Donc, dans toute cette approche de l'ouverture du marché algérien à l'extérieur, il est fondamental, voire moral de s'assurer que le citoyen va véritablement trouver sa place dans la nouvelle configuration de l'économie… du manager à l'exécutant. C'est vrai, le défi n'est pas d'arriver à ouvrir l'entreprise algérienne au partenariat ou tout autre forme…, mais d'y arriver avec tout l'équipage (les employés). Dans la politique nationale de mise à niveau, quelle est la part de la mise à niveau des savoirs et des compétences du capital essentiel de l'entreprise : l'homme ? A-t-on apprécié les retards à combler ? Dans quels domaines et dans quels délais, en priorité, etc. ? Aujourd'hui, le seul critère de sélection et de choix des hommes reste le culte de tout ce qui vient d'ailleurs. Ceci est conforté par la méconnaissance de l'offre nationale, sa désorganisation et le peu d'intérêt, sinon de crédibilité dont elle est – à tort ou à raison – taxée. Des “pseudos managers” semblent connaître le marché londonien ou québécois plus que le marché algérien. Ce constat amer est factuel. Bien des exemples illustrent cette triste réalité. Cette protection pourrait se concrétiser par des exigences élémentaires pour exercer les métiers en question (indépendance, capacité financière et technique pour exercer en permanence ces activités, qualité des prestations attendues, aptitude à répondre aux besoins et attentes des entreprises, compétence et référence…). Sans “expertise nationale” reconnue et privilégiée, le développement économique et social du pays sera confronté à des difficultés chroniques et restera dépendant de la bonne volonté d'ailleurs… La bonne volonté étant aujourd'hui une “denrée rare”. A. O (*) P-DG de Verital et spécialiste en sécurité aéronautique