Selon le Figaro, le général aurait déclaré au juge d'instruction que ces assassinats seraient, en fait, le résultat d'une terrible bavure. Etrange démenti apporté sur les colonnes du Figaro par le général François Buchwalter, au sujet de l'assassinat des moines de Tibhirine en 1996. Selon le Figaro, le général aurait déclaré au juge d'instruction que ces assassinats seraient, en fait, “le résultat d'une terrible bavure”. Cet officier de l'armée de terre, attaché de défense à Alger au moment du drame, avait alerté sa hiérarchie, mais on lui avait intimé de garder le silence pour ne pas nuire aux relations entre la France et l'Algérie. Au bout de treize ans, l'homme a décidé de briser le secret. Un secret-défense. “C'est difficile pour moi, car c'est une chose dont on m'a demandé de ne pas en parler”, précise-t-il au cours de sa confession. Le général Buchwalter raconte avoir recueilli les confidences d'un ancien officier de l'Armée algérienne, dont le frère était chef d'une escadrille d'hélicoptères affectée à la Ire Région militaire dont il taira le nom. Selon M. Buchwalter, ce “monsieur X” lui a raconté peu de temps après les obsèques des moines qu'“en mai 1996, son frère patrouillait en hélicoptère entre Blida et Médéa dans le cadre d'opérations anti-islamistes. Au cours d'une de ces missions dans cette zone désertée par la population, ils ont aperçu un bivouac qui ressemblait à un groupe djihadiste armé. Ils ont donc tiré sur le bivouac. Ils se sont ensuite posés (…). Une fois posés, ils ont découvert qu'ils avaient tiré notamment sur les moines”, a expliqué Buchwalter au juge. “Les corps des moines étaient criblés de balles. Les militaires ont immédiatement prévenu leur PC de commandement à Blida.” Le témoignage tardif du général français vient apporter un démenti formel quant aux accusations colportées en France et relayées par des ONG de défense de droits de l'homme quant à l'implication des services de renseignements algériens dans ces assassinats. Les officiers déserteurs Tigha et Samraoui ont été chargés de répandre la besogne dans les milieux politiques qui militaient pour le “Qui tue qui ?”. Les deux officiers déserteurs affirmaient à qui voulaient les entendre que le GIA était infiltré par les services de renseignements qui auraient exécuté les moines de Tibhirine. Selon le général français à la retraite, il s'agirait d'une bavure de l'Armée algérienne. Pourquoi avoir attendu 13 ans pour le dire ? Le général affirme avoir transmis son rapport à sa hiérarchie militaire et à l'ambassadeur de France à Alger, Michel Levêque. “Il n'y a pas eu de suites, ils ont observé le black-out demandé par l'ambassadeur”, assure-t-il. Pourquoi l'ambassadeur français n'avait-il pas donné de suite à ce rapport ? Il y a lieu de relever que cet attaché militaire avait agi, à l'époque, pour le compte de la DGSE, ex-SDECE, dont il faisait partie. Mais la DGSE n'était pas la seule à gérer ce dossier en ce moment. La DST était également de la partie. Le ministre français de l'intérieur, Charles Pasqua, avait délégué son homme de confiance et ancien membre de la SDECE et de la DGSE, Jean-Charles Marchiani, pour négocier avec un représentant du GIA, dirigé à l'époque par Djamel Zitouni. Des négociations ont eu lieu au sein de l'ambassade de France à Alger, sous le regard inquiet des services de renseignements algériens. Mais, à cette époque, le conflit entre Matignon où siégeait Edouard Balladur, et l'Elysée dirigé par François Mitterrand, n'était un secret pour personne. La DST, dirigée à l'époque par le général Philippe Rondot, rendu célèbre grâce à l'affaire Clearstream, tentait, lui aussi de son côté, d'obtenir la libération des moines de Tibhirine retenus en otages par le GIA. Chaque service voulait donc accaparer cette affaire et en tirer les dividendes, en cas de libération des otages. Parler de secret-défense, dans cette affaire, serait évoquer la guerre que se livraient les services français sur le sol algérien et ailleurs. Si jamais, du côté algérien, le “secret-défense” venait à être levé sur cette affaire, et sur d'autres, bien des certitudes françaises seraient ébranlées. Mais revenons aux “révélations” du général à la retraite. Selon son témoignage, un hélicoptère de l'Armée algérienne aurait bombardé, par erreur, un campement où se trouvaient les moines de Tibhirine. Le témoignage verse dans la science-fiction en avançant que les militaires, qui étaient à bord de l'hélicoptère auraient mitraillé le camp, puis se seraient posés, avec leur hélicoptère en plein maquis, pour vérifier qu'ils avaient commis une bavure et, ensuite, alerter leur commandement. On se croirait dans un film de Rambo ! N'importe quel spécialiste de la lutte antiterroriste vous dira que cette version est invraisemblable. Un hélicoptère ne tire pas sur n'importe quelle cible s'il n'est pas orienté par son QG. Ensuite, jamais, dans les opérations de lutte antiterroriste, que ce soit en Algérie, en Irak ou en Afghanistan, un hélicoptère ne se pose pour faire l'identification des corps. Ce sont les troupes au sol qui se chargent de cette mission. Pour un général qui a passé sa vie dans les services de renseignements, et qui prétend tenir ces “révélations” de la bouche du frère d'un pilote de l'hélicoptère, la couleuvre est trop grosse. Ce nouveau pavé jeté dans la mare française, par un autre général à la retraite, renseigne sur la guerre que se livrent depuis toujours les services secrets français. Azzeddine Bensouiah