Un paysan avait l'habitude de se rendre une fois par semaine au souk. Il y achetait un morceau de viande qu'il rapportait à sa femme. M'hamed Benabid, le sage du village, l'accosta un jour et lui dit : “Tu achètes régulièrement de la viande ! Tu dois être riche !” “La viande ? Ne m'en parle pas, je l'achète, mais c'est la marmite qui la mange selon les dires de ma femme”, répondit le paysan. Alors, le sage insiste pour accompagner le paysan chez lui : “Fais-moi passer pour un mendiant aveugle auprès de ta femme. Je suis sûr que tu es victime d'une machination !” En les voyant arriver, la femme se mit à crier : “Qu'est-ce que c'est que ce pouilleux que tu ramènes ?” - “C'est un pauvre mendiant aveugle. Je l'ai invité à dîner et à dormir au chaud”, répondit le mari. La femme vaqua à ses occupations ménagères. Le faux mendiant l'observait en faisant semblant de somnoler. Vint l'heure de préparer le dîner. La femme coupa la viande et la plongea dans la marmite. La femme voulut s'assurer que le mendiant était vraiment aveugle. Elle saisit le tisonnier rougi par le feu et le dirigea vers les yeux de M'hamed Benabid qui ne broncha pas. Rassurée, elle sortit la viande de la marmite, à l'exception de deux petits morceaux. Elle la déposa dans un bol qu'elle enferma dans un coffre. À son retour des champs, le mari demande : - “Femme ! La marmite nous a-t-elle laissé de la viande ou va-t-elle nous faire honte devant notre invité ?” - “Rassure-toi ! Elle a laissé deux petits morceaux !” Au cours du dîner, M'hamed Benabid raconta au paysan tout ce qu'il avait vu. “La viande est planquée dans le coffre”, lui dit-il. Entrant dans une colère noire, le mari saisit un bâton et bastonna son épouse en répétant : - “Voilà la marmite qui mange la viande ! Voilà la marmite qui mange la viande !” C'est ainsi que le paysan apprit que les marmites ne se nourrissaient pas de viande. Quant à M'hamed Benabid, le rusé, il reprit la route pour d'autres aventures. Nadia Arezki nadarezkilibert@fr [email protected]