En précisant que le général Buchwalter n'engageait que sa personne, l'ambassadeur de France à Alger a voulu “dépolitiser” la relance judiciaire de l'affaire de l'assassinat des moines de Tibhirine. En attendant les résultats du processus judiciaire qui vient d'être inauguré à Paris, la péripétie politico-médiatique aura à peine occupé l'intervalle des deux fêtes nationales. Sans rien nous apprendre, sinon qu'en matière de crimes terroristes en Algérie, chacun campe sur ses positions. On peut noter, cependant, qu'une espèce de surenchère a marqué, en France, les réactions officielles aux “révélations” du général à la retraite. En promettant solennellement la levée du secret-défense et en proclamant son refus d'une “amitié entre deux grands pays” qui serait “basée sur le mensonge”, Sarkozy a laissé entrevoir qu'il donnait un réel crédit à la déposition de l'ancien attaché militaire. Relayé par sa ministre de la Justice qui s'engageait, devant les députés français, à tout mettre en œuvre, y compris en termes de “coopération internationale” pour faire avancer la vérité. La déclaration de l'ambassadeur vient donc confirmer la relative inflexion de son Président, s'en tenant pour l'heure “au communiqué numéro 44 du GIA”. Qu'importe les raisons qui ont fait revoir à la baisse le ton du discours officiel français dans cette affaire. Mais il est remarquable que la polémique aura vécu sans le concours des autorités algériennes. Pas une intervention notable n'est venue perturber une controverse qui, de ce côté-ci, a été exclusivement prise en charge par la presse, agissant tantôt comme opinion autonome exprimant sa vision de la réalité sécuritaire du pays et tantôt comme voix officieuse relayant des “sources” restées en retrait de la scène publique. Et quand, parfois, le débat bénéficie d'une intervention qualifiée, son auteur préfère dissimuler son identité. Ainsi, dans l'édition d'aujourd'hui, c'est un colonel anonyme qui répond, un peu tard qui plus est, à un général dont on a eu tout le temps de reconstituer l'identité et la biographie. En termes d'efficacité, et nonobstant la crédibilité de l'argumentaire de notre colonel, que vaut une réplique anonyme face à des allégations, même à ce point discutables, d'un antagoniste qui s'exprime à visage découvert, dans une polémique où il est justement question de transparence ? Bien sûr, les autorités politiques et militaires ont le droit de choisir leurs modes de communication. Et parmi ceux-ci, elles peuvent, à l'occasion, choisir le silence. L'inconvénient de la stratégie est qu'elle laisse les contradicteurs de circonstance donner libre cours à leur imagination. Tout se passe comme si le pouvoir comptait sur la sous-traitance médiatique de son expression pour se défendre sans se mouiller. La nature ayant horreur du vide, on assiste alors à l'expression débridée et opportuniste des opinions les plus maladroites et les plus suspectes. On ne sait si cela est fait exprès, mais on ne peut que constater qu'à chaque fois qu'il est question de vérité, la culture communicationnelle du pouvoir fait que celui-ci répond par un silence officiel couvert par une profusion de messages officieux, c'est-à-dire par un surplus de confusion. M. H. [email protected]