“Now” (maintenant). Hillary Clinton a demandé à tous les pays arabes de se normaliser avec Israël. La sentence est urgente et les leaders arabes doivent se déterminer. Le président Bouteflika est placé également devant un sacré dilemme. De retour aux affaires après une fracture du coude, la chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, n'a pas tenté de recoller les morceaux pour autant avec les régimes arabes. Devant le puissant Council of Foreign Relations, un centre de recherche de Washington qui a dicté la politique extérieure américaine, Clinton a appelé les pays arabes de manière crue. “Les pays arabes doivent prendre maintenant des mesures significatives vers une normalisation de leurs relations avec Israël”. Après que Barack Obama eut semé les jalons du dialogue entre l'Amérique et le monde arabe lors de son discours du Caire, Clinton enfonce le clou dans les dernières espérances du monde arabe de faire de sa rivalité avec Israël, le dogme éternel de la résistance. La feuille de route que l'administration américaine vient de proposer est claire : soutenir Mahmoud Abbes, le chef de l'Autorité palestinienne malgré le fait que de nombreux pays arabes ne l'apprécient guère. Sortir Israël de son isolement politique et diplomatique dans la région et faire d'Israël un partenaire “ordinaire”. Clinton va plus loin puisque son appel semble déjà être sûr du résultat en exhortant les pays arabes à “préparer leur opinion à embrasser la paix et accepter la place d'Israël dans la région”. Sous-entendu que la normalisation est déjà lancée et gare aux retardataires. C'est une véritable bombe que vient de lancer Clinton. Si Obama définit les axes, Hillary trace le chemin. Tous les présidents et monarques arabes ont dû avoir un sommeil agité après ce discours à Washington parce que les Etats-Unis les placent devant une équation délicate. Poignée de main et puis rien Qu'en est-il de l'Algérie ? Le président Bouteflika n'a pas reçu de lettre de félicitations pour sa réélection en avril 2009. Il attend toujours des nouvelles d'Obama, qui seraient déjà venues, dit-on, sous la forme d'une lettre de condoléances privée après le décès de sa mère. Mais cette nouvelle donne met Bouteflika devant un casse-tête. Faut-il répondre aux doléances des Américains et entamer un dialogue avec Israël ? Question impensable quelques jours auparavant. Ainsi, après avoir été lors de son début de mandat le président algérien qui est allé le plus loin dans une forme de reconnaissance d'Israël (poignée de main avec Ehud Barak à Rabat en 1999-discours de Constantine en 2000), Bouteflika a mis un frein brutal à ce flirt avec les tenants de la normalisation avec Israël. Sous la pression des lobbys panarabistes et conservateurs, Bouteflika n'a plus fait de gestes symboliques pour clarifier sa position envers Israël. Paradoxalement, il s'est complètement refermé sur cette option et a repris ses vieux habits des années 1970, lorsque l'Algérie s'est engagée militairement avec l'Egypte lors de la guerre de 1973 et menait la vie dure à Tel-Aviv au niveau international. Mais quelques événements ont fait que Bouteflika s'éloigne du dossier du Moyen-Orient et par conséquent de la radioactive question de la normalisation. D'abord, les événements du 11 septembre 2001 ont contraint les Américains à rechercher des appuis dans le monde arabe pour combattre les réseaux d'Al-Qaïda dans le monde. Washington avait un besoin pressant d'alliances dans sa guerre et a mis sous le tapis la question de la normalisation. L'administration Bush avait cessé d'envoyer ses émissaires à Alger tels que Martin Indyk ou Richard Burns pour sonder Bouteflika sur ses intentions à l'égard d'un éventuel début de dialogue avec Israël. Bouteflika et l'anti-Arafat Ensuite, la mort de Yasser Arafat a précipité au-devant de la scène Abou Mazen avec lequel le courant ne passe pas. Bouteflika semble ne pas apprécier le successeur du leader palestinien qui a le don de cultiver le double langage et de ne pas apprécier à sa juste valeur le soutien inconditionnel de l'Algérie. Quoi qu'il fasse, Bouteflika a continué à verser les 50 millions de dollars d'aide annuelle aux Palestiniens comme gage d'un soutien “indéfectible” à la cause. Mais la proximité avec les dirigeants palestiniens actuels n'y est plus. Enfin, le président Bouteflika a regardé plus loin que la poudrière du Proche-Orient. Vers l'Iran et par interaction les islamistes palestiniens du Hamas. Du fait que le mouvement islamiste contrôlait Gaza et que les Iraniens focalisaient l'intérêt international, Bouteflika s'est retrouvé embarqué, avec une certaine jouissance diplomatique, dans les méandres des négociations secrètes. Alger étant redevenu le carrefour des leaders jugés “toxiques” par l'Occident et carrément des hommes à abattre selon Tel-Aviv. Ahmadinejad et Khaled Mechaal en sont l'illustration éclatante. Obama mettra la pression Mais cet équilibrisme risque de se rompre à la lumière de cet “oukase” de Washington. C'est maintenant et tout de suite que les Arabes doivent se déterminer. Certes, Barack Obama sait présenter l'emballage puisqu'il met en avant le fait que “l'Amérique ne cherchera pas à imposer un système quelconque de gouvernement à une autre nation. La souveraineté des Etats est un principe intangible”. Un discours qui a un bon écho d'Alger à Damas mais avec l'autre main, celle de Clinton ou Joe Biden, exerce une pression terrible sur les Etats arabes avec cette nouvelle et déjà fameuse philosophie de “prendre ses responsabilités”. De retour d'Egypte où il a eu certainement à en parler avec Hosni Moubarak, “l'homme des Américains”, Bouteflika aura à choisir une option. Fort de ses relations avec les islamistes palestiniens et de son aura à Téhéran, le président algérien possède les armes diplomatiques pour négocier. L'émissaire d'Obama, George Mitchell, a eu à sonder son pouls ces derniers mois, et il n'est pas à exclure que c'est Hillary Clinton qui va s'y coller les prochains mois pour convaincre les Algériens et les autres dirigeants arabes de l'urgence d'une normalisation avec Israël ! Mais cela a forcément un prix. Une contrepartie que chaque pays arabe devra “négocier” au mieux. Car personne ne verrait Alger normaliser avec Tel-Aviv sans que cela ne constitue un chamboulement sur le front intérieur des Etats arabes. Mounir B.