L'épidémie des républiques monarchiques qui a déferlé sur l'Afrique et le monde arabe a gagné l'Iran. Le guide de la révolution islamique, Ali Khamenei, pense à son fils pour sa succession ! Mojtaba Khamenei, son second fils, se serait imposé dans la hiérarchie complexe du régime à Téhéran. L'opposition l'a accusé d'avoir facilité les fraudes électorales qui ont permis au président Ahmadinejad de rester au pouvoir. À Téhéran, on murmure également que Mojtaba a dirigé en personne la répression contre les Iraniens sortis dans les rues pour contester le second mandat d'Ahmadinejad. Ce dernier est une création de Khamenei qui l'avait sorti de la boîte à président en 2004 et qui l'a encore imposé cette année, contre vents et marées. Mojtaba est un homme de l'ombre. Dans l'ombre de son puissant père. Tant et si bien que son visage est méconnu du grand public iranien. Aujourd'hui, il se dit à Téhéran que c'est lui qui des coulisses tirerait les ficelles des Gardiens de la révolution et des Bassidjis. Cadet d'une fratrie de six enfants, Mojtaba a 40 ans, à peine. Il est marié à la fille de Gholam-Ali Haddad Adel, ancien président conservateur du Parlement iranien, qui a donné des tours de vis supplémentaires aux lois liberticides en vigueur en Iran. Après avoir fait des études théologiques au grand séminaire religieux de la ville sainte de Qom, il a obtenu le titre de hodjatoleslam, le rang dans le clergé chiite qui conduit à la qualité d'ayatollah. Très tacticien, il joue à fond la carte d'Ahmadinejad qu'il soutien fermement malgré la contestation qui n'arrête pas de pleuvoir sur le scrutin du 12 juin, pour prendre en main la situation et, à moyen terme, briguer le poste de guide religieux occupé par son père. Il serait plus dur que son père qui n'a ni la charisme ni l'envergure de son prédécesseur, l'imam Khomeiny à qui il a succédé en 1989. Choisi par ses pairs les dignitaires religieux à huis clos, dont fait partie un de ses principaux rivaux d'aujourd'hui, Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, il s'est difficilement imposé comme arbitre du régime. En 1999, les premières émeutes étudiantes de la République islamique sont sévèrement réprimées, mais les manifestants ont brisé le tabou de la sacralité du Guide, en criant : “mort à Khamenei”. Cette année, c'est encore plus pire pour Khamenei. À la contestation de la rue s'est adjointe la grogne jusque dans la haute hiérarchie cléricale ! Des ayatollahs ont condamné la répression depuis Qom ! Certains n'ont pas hésité à soutenir Moussavi, à l'image de l'ayatollah réformiste Ali Montazeri, ex-dauphin de l'imam Khomeiny, entré en dissidence pour avoir remis en cause le sacro-saint principe du velayat-e faghi (gouvernement du docte). Khamenei l'a même mis en résidence surveillée. Âgé, celui-ci serait pris en charge par Mojtaba, lequel est aujourd'hui très influent dans l'entourage du Guide. Mojtaba devra s'aliéner les 20 conseillers du Guide et les 700 personnes travaillant activement à ses côtés. Sa candidature au poste de son père, en cas de décès ou de destitution, devra être soumise à l'approbation de l'Assemblée des experts, dirigée par l'ayatollah Rafsandjani, un de ses rivaux politiques. La succession est loin d'être garantie. D. Bouatta