Selon les experts, il est opportun de projeter des modèles de référence d'urbanisation future pour chaque agglomération afin d'aboutir à un véritable projet urbain. L'Algérie est-elle suffisamment préparée pour affronter une catastrophe future, qu'elle soit naturelle, technologique, climatique ou industrielle ? À cette pertinente question, la réponse apportée à l'unanimité par les experts est négative. À ce jour, relève Abdelkrim Chelghoum, professeur en numérique et en génie parasismique, il y a absence totale d'une politique cohérente de prévention des risques majeurs. Cet expert soulève aussi une “amnésie” des hommes et des institutions quant aux enseignements qui auraient dû être tirés des catastrophes antérieures. “Ce risque omniprésent dans la frange nord de l'Algérie représente, à coup sûr, le phénomène le plus redoutable mais que l'on redoute le moins”, indique-t-il. Il n'y a qu'à voir cette surconcentration urbanistique de nos villes et villages, que l'Etat a autorisée et semble “laisser faire”, argue-t-il. Par ailleurs, il est facile de constater que la majorité des ouvrages implantés récemment, souvent dans la précipitation, au sein des grandes métropoles (Alger, Constantine, Oran, Annaba) sont érigés sur des terrains non aedificandi (lits d'oued, zones liquéfiables, zones de glissement, proximité des failles sismiques, confluents de cours d'eau souterrains, domaine littoral…). Tenter d'atténuer les dommages provoqués par les catastrophes naturelles, qu'elles soient d'origine climatique et/ou géologique, c'est d'abord essayer de planifier la nature elle-même en essayant de connaître, prévoir, quantifier, modéliser “la loi de la nature”. La puissance publique et la société posent plus de questions qu'elles ne proposent de réponses. Le lieu et l'espace dans lesquels les systèmes urbains sont projetés montrent clairement qu'ils sont générateurs d'une amplification du risque autodestructeur. Cette analyse est l'œuvre de M. Abdelkrim Chelghoum. La réalisation de un million de logements pendant le quinquennat (2009-2014), “épine dorsale” du programme du président de la République, demeure intrinsèquement liée au processus d'urbanisation des grandes agglomérations. “Si depuis les années 1970 (la planification centralisée des différents programmes spéciaux de développement : triennal, quadriennal,etc.), les phénomènes d'accroissement des villes algériennes se sont produits anarchiquement par greffes successives autour du noyau originel constitué généralement par les centres anciens (tissu colonial) ; l'extension incontrôlée de ces agglomérations a renforcé le déséquilibre entre centres et périphéries sans harmonie urbanistique pour devenir la véritable problématique de la politique de la ville, du développement urbain et de l'aménagement du territoire en Algérie”, souligne le Pr Chelghoum. Un éclairage sommaire sur cette question permet d'identifier les tares des différentes politiques ségrégatives imposées par des structures étatiques “incompétentes en la matière”, d'une part, et les effets de la spéculation foncière, d'autre part. Ainsi, il est important de noter que le programme de réalisation de un million de logements neufs à l'échéance 2014 (200 000 logements par an) en termes de consommation des sols correspondrait à 33 000 hectares en moyenne (à raison de 30 logements/hectare), soit environ un rectangle de 110 km3 approximativement. Sachant que 80% de ce programme concernent les villes, l'urbanisation continue à être grande consommatrice des assiettes foncières. Ainsi, il est opportun, indique-t-il, de projeter des modèles de référence d'urbanisation future pour chaque agglomération afin d'aboutir à un véritable projet urbain. Dans sa fondation conceptuelle, une habitation (voire un quartier et/ou une agglomération) est conçue, explique le professeur, pour sublimer, protéger et sauvegarder les vies humaines contre les répercussions indirectes des catastrophes naturelles, en général, et des tremblements de terre, en particulier. “Le degré du risque sismique est directement lié au type et à la densité du peuplement dans la région considérée”, précise-t-il. Pour cet expert, la reconnaissance de l'aléa sismique régional entraînant de facto l'évaluation et la quantification du risque correspondant représente la base fondamentale pour une politique de prévention. Celle-ci doit obligatoirement déboucher sur la projection de modèles exclusifs de protection parasismique pour les constructions neuves (ouvrages dits intelligents) et de renforcement cohérent pour les ouvrages anciens (assurer une meilleure absorption et dissipation de l'énergie sismique, donc une meilleure stabilité de l'ouvrage). Pour cette raison majeure, la protection contre les séismes reste la seule solution fiable pour sécuriser les régions en question. Cette prévention réside dans la réalisation d'ouvrages parasismiques capables de résister dans de bonnes conditions aux plus dommageables des effets sismiques. Ceci permettrait de limiter considérablement les pertes en vies humaines en cas de secousse violente et de maintenir les pertes économiques à un niveau acceptable. B. K.